des ciseaux avec lesquels elle le
couperait.
Ce fut ce travail qui lui donna le plus de peine, et il ne lui
fallut pas moins de trois jours pour faconner une cuiller; encore
n'etait-il pas du tout prouve que si elle l'avait montree a
quelqu'un, on eut devine que c'etait une cuiller; mais comme c'en
etait une qu'elle avait voulu fabriquer, cela suffisait, et
d'autre part, comme elle mangeait seule, elle n'avait pas a
s'inquieter des jugements qu'on pouvait porter sur ses ustensiles
de table.
Maintenant pour faire la soupe dont elle avait si grande envie, il
ne lui manquait plus que du beurre et de l'oseille.
Pour le beurre, il en etait comme du pain et du sel; ne pouvant
pas le faire de ses propres mains, puisqu'elle n'avait pas de
lait, elle devait l'acheter.
Mais pour l'oseille elle economiserait cette depense, par une
recherche dans les prairies ou non seulement elle trouverait de
l'oseille sauvage, mais aussi des carottes, des salsifis qui tout
en n'ayant ni la beaute, ni la grosseur des legumes cultives,
seraient encore tres bons pour elle.
Et puis il n'y avait pas que des oeufs et des legumes dont elle
pouvait composer le menu de son diner, maintenant qu'elle s'etait
fabrique des vases pour les cuire, une cuiller en fer-blanc et une
fourchette en bois pour les manger, il y avait aussi les poissons
de l'etang, si elle etait assez adroite pour les prendre. Que
fallait-il pour cela? Des lignes qu'elle amorcerait avec des vers
qu'elle chercherait dans la vase. De la ficelle qu'elle avait
achetee pour ses espadrilles, il restait un bon bout; elle n'eut
qu'a depenser un sou pour des hamecons; et avec des crins de
cheval qu'elle ramassa devant la forge, ses lignes furent
suffisantes pour pecher plusieurs sortes de poissons, sinon les
plus beaux de l'entaille qu'elle voyait, dans l'eau claire, passer
dedaigneux devant ses amorces trop simples, au moins quelques-uns
des petits, moins difficiles, et qui pour elle etaient d'une
grosseur bien suffisante.
TOME SECOND
XXII
Tres occupee par ces divers travaux qui lui prenaient toutes ses
soirees, elle resta plus d'une semaine sans aller voir Rosalie; et
comme, par une de leurs camarades aux cannetieres qui logeait chez
mere Francoise, elle eut de ses nouvelles; d'autre part comme elle
craignait d'etre recue par la terrible tante Zenobie, elle laissa
les jours s'ajouter aux jours; mais a la fin, un soir elle se
decida a ne pas rentrer tout de suite chez e
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