e Wardes. Qu'est-ce
que cette La Valliere? Qu'est-ce que cette province qui nous
arrive?
-- La Montalais, dit le chevalier de Lorraine, je la connais:
c'est une bonne fille qui amusera la cour. La Valliere, c'est une
charmante boiteuse.
-- Peuh! dit de Wardes.
-- N'en faites pas fi, de Wardes; il y a sur les boiteuses des
axiomes latins tres ingenieux et surtout fort caracteristiques.
-- Messieurs, messieurs, dit de Guiche en regardant Raoul avec
inquietude, un peu de mesure, je vous prie.
Mais l'inquietude du comte, en apparence du moins, etait
inopportune.
Raoul avait garde la contenance la plus ferme et la plus
indifferente, quoiqu'il n'eut pas perdu un mot de ce qui venait de
se dire. Il semblait tenir registre des insolences et des libertes
des deux provocateurs pour regler avec eux son compte a
l'occasion.
De Wardes devina sans doute cette pensee et continua:
-- Quels sont les amants de ces demoiselles?
-- De la Montalais? fit le chevalier.
-- Oui, de la Montalais d'abord.
-- Eh bien! vous? moi, de Guiche, qui voudra, pardieu!
-- Et de l'autre?
-- De Mlle de La Valliere?
-- Oui.
-- Prenez garde, messieurs, s'ecria de Guiche pour couper court a
la reponse du chevalier; prenez garde, Madame nous ecoute.
Raoul enfoncait sa main jusqu'au poignet dans son justaucorps et
ravageait sa poitrine et ses dentelles.
Mais justement cet acharnement qu'il voyait se dresser contre de
pauvres femmes lui fit prendre une resolution serieuse.
"Cette pauvre Louise, se dit-il a lui-meme, n'est venue ici que
dans un but honorable et sous une honorable protection; mais il
faut que je connaisse ce but; il faut que je sache qui la
protege."
Et, imitant la manoeuvre de Malicorne, il se dirigea vers le
groupe des filles d'honneur.
Bientot la presentation fut terminee. Le roi, qui n'avait cesse de
regarder et d'admirer Madame, sortit alors de la salle de
reception avec les deux reines.
Le chevalier de Lorraine reprit sa place a cote de Monsieur, et,
tout en l'accompagnant, il lui glissa dans l'oreille quelques
gouttes de ce poison qu'il avait amasse depuis une heure, en
regardant de nouveaux visages et en soupconnant quelques coeurs
d'etre heureux. Le roi, en sortant, avait entraine derriere lui
une partie des assistants; mais ceux qui, parmi les courtisans,
faisaient profession d'independance ou de galanterie, commencerent
a s'approcher des dames. M. le prince complimenta Mlle de Tonnay-
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