omme tout bon Anglais, vous preferez l'Angleterre?
-- J'aime mieux ma patrie que la patrie d'un Francais, repondit le
duc; mais si Votre Majeste me demande lequel des deux sejours je
prefere, Londres ou Paris, je repondrai Paris.
Anne d'Autriche remarqua le ton plein de chaleur avec lequel ces
paroles avaient ete prononcees.
-- Vous avez, m'a-t-on dit, milord, de beaux biens chez vous; vous
habitez un palais riche et ancien?
-- Le palais de mon pere, repliqua Buckingham en baissant les
yeux.
-- Ce sont la des avantages precieux et des souvenirs, repliqua la
reine en touchant malgre elle des souvenirs dont on ne se separe
pas volontiers.
-- En effet, dit le duc subissant l'influence melancolique de ce
preambule, les gens de coeur revent autant par le passe ou par
l'avenir que par le present.
-- C'est vrai, dit la reine a voix basse. Il en resulte, ajouta-t-
elle, que vous, milord, qui etes un homme de coeur... vous
quitterez bientot la France... pour vous renfermer dans vos
richesses, dans vos reliques.
Buckingham leva la tete.
-- Je ne crois pas, dit-il, madame.
-- Comment?
-- Je pense, au contraire, que je quitterai l'Angleterre pour
venir habiter la France.
Ce fut au tour d'Anne d'Autriche a manifester son etonnement.
-- Quoi! dit-elle, vous ne vous trouvez donc pas dans la faveur du
nouveau roi?
-- Au contraire, madame, Sa Majeste m'honore d'une bienveillance
sans bornes.
-- Il ne se peut, dit la reine, que votre fortune soit diminuee;
on la disait considerable.
-- Ma fortune, madame, n'a jamais ete plus florissante.
-- Il faut alors que ce soit quelque cause secrete?
-- Non, madame, dit vivement Buckingham, il n'est rien dans la
cause de ma determination qui soit secret. J'aime le sejour de
France, j'aime une cour pleine de gout et de politesse; j'aime
enfin, madame, ces plaisirs un peu serieux qui ne sont pas les
plaisirs de mon pays et qu'on trouve en France.
Anne d'Autriche sourit avec finesse.
-- Les plaisirs serieux! dit-elle; avez-vous bien reflechi,
monsieur de Buckingham, a ce serieux-la?
Le duc balbutia.
-- Il n'est pas de plaisir si serieux, continua la reine, qui
doive empecher un homme de votre rang...
-- Madame, interrompit le duc, Votre Majeste insiste beaucoup sur
ce point, ce me semble.
-- Vous trouvez, duc?
-- C'est, n'en deplaise a Votre Majeste, la deuxieme fois qu'elle
vante les attraits de l'Angleterre aux depens du charme qu'on
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