nt du feu de leur souffle et de leur
colere. On sentait que l'un etait au sommet de sa haine, l'autre
au bout de sa patience.
Tout a coup ils entendirent une voix pleine de grace et de
politesse qui disait derriere eux:
-- On m'a nomme, je crois.
Ils se retournerent: c'etait d'Artagnan qui l'oeil souriant et la
bouche en coeur, venait de poser sa main sur l'epaule de
de Wardes. Raoul s'ecarta d'un pas pour faire place au
mousquetaire. De Wardes frissonna par tout le corps, palit, mais
ne bougea point.
D'Artagnan, toujours avec son sourire, prit la place que Raoul lui
abandonnait.
-- Merci, mon cher Raoul, dit-il. Monsieur de Wardes, j'ai a
causer avec vous. Ne vous eloignez pas, Raoul; tout le monde peut
entendre ce que j'ai a dire a M. de Wardes.
Puis son sourire s'effaca, et son regard devint froid et aigu
comme une lame d'acier.
-- Je suis a vos ordres, monsieur, dit de Wardes.
-- Monsieur, reprit d'Artagnan, depuis longtemps je cherchais
l'occasion de causer avec vous; aujourd'hui seulement, je l'ai
trouvee. Quant au lieu, il est mal choisi, j'en conviens; mais si
vous voulez vous donner la peine de venir jusque chez moi, mon
chez-moi est justement dans l'escalier qui aboutit a la galerie.
-- Je vous suis, monsieur, dit de Wardes.
-- Est-ce que vous etes seul ici, monsieur? fit d'Artagnan.
-- Non pas, j'ai MM. Manicamp et de Guiche, deux de mes amis.
-- Bien, dit d'Artagnan; mais deux personnes, c'est peu. Vous en
trouverez bien encore quelques-unes, n'est-ce pas?
-- Certes! dit le jeune homme, qui ne savait pas ou d'Artagnan
voulait en venir. Tant que vous en voudrez.
-- Des amis?
-- Oui, monsieur.
-- De bons amis?
-- Sans doute.
-- Eh bien! faites-en provision, je vous prie. Et vous, Raoul,
venez... Amenez aussi M. de Guiche; amenez M. de Buckingham, s'il
vous plait.
-- Oh! mon Dieu, monsieur, que de tapage! repondit de Wardes en
essayant de sourire.
Le capitaine lui fit, de la main, un petit signe pour lui
recommander la patience.
-- Je suis toujours impassible. Donc, je vous attends, monsieur,
dit-il.
-- Attendez-moi.
-- Alors, au revoir!
Et il se dirigea du cote de son appartement. La chambre de
d'Artagnan n'etait point solitaire: le comte de La Fere attendait,
assis dans l'embrasure d'une fenetre.
-- Eh bien? demanda-t-il a d'Artagnan en le voyant rentrer.
-- Eh bien! dit celui-ci, M. de Wardes veut bien m'accorder
l'honneur de me faire une peti
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