livres ne lui suffisent pas."
-- Tiens, au fait, dit Baisemeaux, j'y songe: je reclamerai.
Aramis referma le livre.
-- Oui, dit-il, c'est bien de la main de M. de Mazarin; je
reconnais son ecriture. Maintenant, mon cher gouverneur, continua-
t-il, comme si cette derniere communication avait epuise son
interet, passons, si vous le voulez bien, a nos petits
arrangements.
-- Eh bien! quel terme voulez-vous que je prenne? Fixez vous-meme.
-- Ne prenez pas de terme; faites-moi une reconnaissance pure et
simple de cent cinquante mille francs.
-- Exigible?
-- A ma volonte. Mais, vous comprenez, je ne voudrai que lorsque
vous voudrez vous-meme.
-- Oh! je suis tranquille, dit Baisemeaux en souriant; mais je
vous ai deja donne deux recus.
-- Aussi, vous voyez, je les dechire.
Et Aramis, apres avoir montre les deux recus au gouverneur, les
dechira en effet.
Vaincu par une pareille marque de confiance, Baisemeaux souscrivit
sans hesitation une obligation de cent cinquante mille francs
remboursable a la volonte du prelat.
Aramis, qui avait suivi la plume par-dessus l'epaule du
gouverneur, mit l'obligation dans sa poche sans avoir l'air de
l'avoir lue, ce qui donna toute tranquillite a Baisemeaux.
-- Maintenant, dit Aramis, vous ne m'en voudrez point, n'est-ce
pas, si je vous enleve quelque prisonnier?
-- Comment cela?
-- Sans doute en obtenant sa grace. Ne vous ai je pas dit, par
exemple, que le pauvre Seldon m'interessait?
-- Ah! c'est vrai!
-- Eh bien?
-- C'est votre affaire; agissez comme vous l'entendrez. Je vois
que vous avez le bras long et la main large.
Et Aramis partit, emportant les benedictions du gouverneur.
Chapitre C -- Les deux amies
A l'heure ou M. de Baisemeaux montrait a Aramis les prisonniers de
la Bastille, un carrosse s'arretait devant la porte de
Mme de Belliere, et a cette heure encore matinale deposait au
perron une jeune femme enveloppee de coiffes de soie.
Lorsqu'on annonca Mme Vanel a Mme de Belliere, celle-ci s'occupait
ou plutot s'absorbait a lire une lettre qu'elle cacha
precipitamment.
Elle achevait a peine sa toilette du matin, ses femmes etaient
encore dans la chambre voisine.
Au nom, au pas de Marguerite Vanel, Mme de Belliere courut a sa
rencontre. Elle crut voir dans les yeux de son amie un eclat qui
n'etait pas celui de la sante ou de la joie.
Marguerite l'embrassa, lui serra les mains, lui laissa a peine le
temps de parler.
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