ivres en or, enfermees dans un coffre
que portait peniblement un commis jusqu'a la voiture de
Mme Faucheux.
Car Mme Faucheux avait un coche. Fille d'un president des comptes,
elle avait apporte trente mille ecus a son mari, syndic des
orfevres. Les trente mille ecus avaient fructifie depuis vingt
ans. L'orfevre etait millionnaire et modeste. Pour lui, il avait
fait l'emplette d'un venerable carrosse, fabrique en 1648, dix
annees apres la naissance du roi. Ce carrosse, ou plutot cette
maison roulante, faisait l'admiration du quartier; elle etait
couverte de peintures allegoriques et de nuages semes d'etoiles
d'or et d'argent dore.
C'est dans cet equipage, un peu grotesque, que la noble femme
monta, en regard du commis, qui dissimulait ses genoux de peur
d'effleurer la robe de la marquise.
C'est ce meme commis qui dit au cocher, fier de conduire une
marquise: Route de Saint-Mande!
Chapitre CII -- La dot
Les chevaux de M. Faucheux etaient d'honnetes chevaux du Perche,
ayant de gros genoux et des jambes tant soit peu engorgees. Comme
la voiture, ils dataient de l'autre moitie du siecle.
Ils ne couraient donc pas comme les chevaux anglais de M. Fouquet.
Aussi mirent-ils deux heures a se rendre a Saint-Mande.
On peut dire qu'ils marchaient majestueusement.
La majeste exclut le mouvement.
La marquise s'arreta devant une porte bien connue, quoiqu'elle ne
l'eut vue qu'une fois, on se le rappelle, dans une circonstance
non moins penible que celle qui l'amenait cette fois encore.
Elle tira de sa poche une clef, l'introduisit de sa petite main
blanche dans la serrure, poussa la porte qui ceda sans bruit, et
donna l'ordre au commis de monter le coffret au premier etage.
Mais le poids de ce coffret etait tel, que le commis fut force de
se faire aider par le cocher.
Le coffret fut depose dans ce petit cabinet, antichambre ou plutot
boudoir, attenant au salon ou nous avons vu M. Fouquet aux pieds
de la marquise.
Mme de Belliere donna un louis au cocher, un sourire charmant au
commis, et les congedia tous deux.
Derriere eux, elle referma la porte et attendit ainsi, seule et
barricadee. Nul domestique n'apparaissait a l'interieur.
Mais toute chose etait appretee comme si un genie invisible eut
devine les besoins et les desirs de l'hote ou plutot de l'hotesse
qui etait attendue.
Le feu prepare, les bougies aux candelabres, les rafraichissements
sur l'etagere, les livres sur les tables, les fleu
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