rs fraiches dans
les vases du Japon.
On eut dit une maison enchantee.
La marquise alluma les candelabres, respira le parfum des fleurs,
s'assit et tomba bientot dans une profonde reverie.
Mais cette reverie, toute melancolique, etait impregnee d'une
certaine douceur.
Elle voyait devant elle un tresor etale dans cette chambre. Un
million qu'elle avait arrache de sa fortune comme la moissonneuse
arrache un bleuet de sa couronne.
Elle se forgeait les plus doux songes.
Elle songeait surtout et avant tout au moyen de laisser tout cet
argent a M. Fouquet sans qu'il put savoir d'ou venait le don. Ce
moyen etait celui qui naturellement s'etait presente le premier a
son esprit.
Mais, quoique, en y reflechissant, la chose lui eut paru
difficile, elle ne desesperait point de parvenir a ce but.
Elle devait sonner pour appeler M. Fouquet, et s'enfuir plus
heureuse que si, au lieu de donner un million, elle trouvait un
million elle-meme.
Mais, depuis qu'elle etait arrivee la, depuis qu'elle avait vu ce
boudoir si coquet, qu'on eut dit qu'une femme de chambre venait
d'en enlever jusqu'au dernier atome de poussiere; quand elle avait
vu ce salon si bien tenu, qu'on eut dit qu'elle en avait chasse
les fees qui l'habitaient, elle se demanda si deja les regards de
ceux qu'elle avait fait fuir, genies, fees, lutins ou creatures
humaines, ne l'avaient pas reconnue.
Alors Fouquet saurait tout; ce qu'il ne saurait pas, il le
devinerait; Fouquet refuserait d'accepter comme don ce qu'il eut
peut-etre accepte a titre de pret, et, ainsi menee, l'entreprise
manquerait de but comme de resultat.
Il fallait donc que la demarche fut faite serieusement pour
reussir Il fallait que le surintendant comprit toute la gravite de
sa position pour se soumettre au caprice genereux d'une femme; il
fallait enfin, pour le persuader, tout le charme d'une eloquente
amitie, et, si ce n'etait point assez, tout l'enivrement d'un
ardent amour que rien ne detournerait dans son absolu desir de
convaincre.
En effet, le surintendant n'etait-il pas connu pour un homme plein
de delicatesse et de dignite? Se laisserait-il charger des
depouilles d'une femme? Non, il lutterait, et si une voix au monde
pouvait vaincre sa resistance, c'etait la voix de la femme qu'il
aimait.
Maintenant, autre doute, doute cruel qui passait dans le coeur de
Mme de Belliere avec la douleur et le froid aigu d'un poignard:
Aimait-il?
Cet esprit leger, ce coeur volag
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