e Wardes, j'espere que tout est fini entre nous deux, et qu'il ne
vous arrivera plus de mal parler de moi. C'est une affaire purgee,
n'est-ce pas?
De Wardes s'inclina en balbutiant.
-- J'espere aussi, continua d'Artagnan en se rapprochant du jeune
homme, que vous ne parlerez plus mal de personne comme vous en
avez la facheuse habitude; car un homme aussi consciencieux, aussi
parfait que vous l'etes, vous qui reprochez une vetille de
jeunesse a un vieux soldat, apres trente-cinq ans, vous, dis-je,
qui arborez cette purete de conscience, vous prenez de votre cote,
l'engagement tacite de ne rien faire contre la conscience et
l'honneur. Or, ecoutez bien ce qui me reste a vous dire, monsieur
de Wardes. Gardez-vous qu'une histoire ou votre nom figurera ne
parvienne a mes oreilles.
-- Monsieur, dit de Wardes, il est inutile de menacer pour rien.
-- Oh! je n'ai point fini, monsieur de Wardes, reprit d'Artagnan,
et vous etes condamne a m'entendre encore.
Le cercle se rapprocha curieusement.
-- Vous parliez haut tout a l'heure de l'honneur d'une femme et de
l'honneur de votre pere; vous nous avez plu en parlant ainsi, car
il est doux de songer que ce sentiment de delicatesse et de
probite qui ne vivait pas, a ce qu'il parait, dans notre ame, vit
dans l'ame de nos enfants, et il est beau enfin de voir un jeune
homme a l'age ou d'habitude on se fait le larron de l'honneur des
femmes, il est beau de voir ce jeune homme le respecter et le
defendre.
De Wardes serrait les levres et les poings, evidemment fort
inquiet de savoir comment finirait ce discours dont l'exorde
s'annoncait si mal.
-- Comment se fait-il donc alors, continua d'Artagnan, que vous
vous soyez permis de dire a M. le vicomte de Bragelonne qu'il ne
connaissait point sa mere?
Les yeux de Raoul etincelerent.
-- Oh! s'ecria-t-il en s'elancant, monsieur le chevalier, monsieur
le chevalier, c'est une affaire qui m'est personnelle.
De Wardes sourit mechamment.
D'Artagnan repoussa Raoul du bras.
-- Ne m'interrompez pas, jeune homme, dit-il.
Et dominant de Wardes du regard:
-- Je traite ici une question qui ne se resout point par l'epee,
continua-t-il. Je la traite devant des hommes d'honneur, qui tous
ont mis plus d'une fois l'epee a la main. Je les ai choisis
expres. Or, ces messieurs savent que tout secret pour lequel on se
bat cesse d'etre un secret. Je reitere donc ma question a
M. de Wardes: A quel propos avez-vous offense ce jeune ho
|