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d'activite pour recouvrer le rayonnement qui lui echappait; son
esprit, timide et indecis d'abord, se fit jour en brillants
eclats; il fallait a tout prix qu'elle fut remarquee par-dessus
tout, par-dessus le roi lui-meme. Elle le fut. Les reines, malgre
leur dignite, le roi, malgre les respects de l'etiquette, furent
eclipses. Les reines, roides et guindees, des l'abord,
s'humaniserent et rirent. Madame Henriette, reine mere, fut
eblouie de cet eclat qui revenait sur sa race, grace a l'esprit de
la petite-fille de Henri IV. Le roi, si jaloux comme jeune homme,
si jaloux comme roi de toutes les superiorites qui l'entouraient,
ne put s'empecher de rendre les armes a cette petulance francaise
dont l'humeur anglaise rehaussait encore l'energie. Il fut saisi
comme un enfant par cette radieuse beaute que suscitait l'esprit.
Les yeux de Madame lancaient des eclairs. La gaiete s'echappait de
ses levres de pourpre comme la persuasion des levres du vieux Grec
Nestor.
Autour des reines et du roi, toute la cour, soumise a ces
enchantements, s'apercevait, pour la premiere fois, qu'on pouvait
rire devant le plus grand roi du monde, comme des gens dignes
d'etre appeles les plus polis et les plus spirituels du monde.
Madame eut, des ce soir, un succes capable d'etourdir quiconque
n'eut pas pris naissance dans ces regions elevees qu'on appelle un
trone et qui sont a l'abri de semblables vertiges, malgre leur
hauteur. A partir de ce moment, Louis XIV regarda Madame comme un
personnage.
Buckingham la regarda comme une coquette digne des plus cruels
supplices.
De Guiche la regarda comme une divinite. Les courtisans, comme un
astre dont la lumiere devait devenir un foyer pour toute faveur,
pour toute puissance.
Cependant Louis XIV, quelques annees auparavant, n'avait pas
seulement daigne donner la main a ce laideron pour un ballet.
Cependant Buckingham avait adore cette coquette a deux genoux.
Cependant de Guiche avait regarde cette divinite comme une femme.
Cependant les courtisans n'avaient pas ose applaudir sur le
passage de cet astre dans la crainte de deplaire au roi, a qui cet
astre avait autrefois deplu.
Voila ce qui se passait, dans cette memorable soiree, au jeu du
roi.
La jeune reine, quoique Espagnole et niece d'Anne d'Autriche,
aimait le roi et ne savait pas dissimuler.
Anne d'Autriche, observatrice, comme toute femme et imperieuse
comme toute reine, sentit la puissance de Madame et s'inclina t
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