rneur, que je puis repondre d'avance d'une chose, c'est que
M. de Baisemeaux sera enchante de me voir. Il y a plus, c'est que,
lorsque vous lui aurez dit que c'est la personne qu'il attend au
1er juin, je suis convaincu qu'il accourra lui-meme.
L'officier ne pouvait faire entrer dans sa pensee qu'un homme
aussi important que M. le gouverneur se derangeat pour un autre
homme aussi peu important que paraissait l'etre ce petit bourgeois
a cheval.
-- Justement, monsieur, cela tombe a merveille. M. le gouverneur
se preparait a sortir, et vous voyez son carrosse attele dans la
cour du Gouvernement; il n'aura donc pas besoin de venir au-devant
de vous, mais il vous verra en passant.
Aramis fit de la tete un signe d'assentiment: il ne voulait pas
donner de lui-meme une trop haute idee; il attendit donc
patiemment et en silence, penche sur les arcons de son cheval.
Dix minutes ne s'etaient pas ecoulees, l'on vit s'ebranler le
carrosse du gouverneur. Il s'approcha de la porte. Le gouverneur
parut, monta dans le carrosse qui s'appreta a sortir.
Mais alors la meme ceremonie eut lieu pour le maitre du logis que
pour un etranger suspect; la sentinelle de la cage s'avanca au
moment ou le carrosse allait passer sous la voute, et le
gouverneur ouvrit sa portiere pour obeir le premier a la consigne.
De cette facon, la sentinelle put se convaincre que nul ne sortait
de la Bastille en fraude.
Le carrosse roula sous la voute.
Mais, au moment ou l'on ouvrait la grille, l'officier s'approcha
du carrosse arrete pour la seconde fois, et dit quelques mots au
gouverneur.
Aussitot le gouverneur passa la tete hors de la portiere et
apercut Aramis a cheval a l'extremite du pont-levis.
Il poussa aussitot un grand cri de joie, et sortit, ou plutot
s'elanca de son carrosse, et vint, tout courant, saisir les mains
d'Aramis en lui faisant mille excuses. Peu s'en fallut qu'il ne
les lui baisat.
-- Que de mal pour entrer a la Bastille, monsieur le gouverneur!
Est-ce de meme pour ceux qu'on y envoie malgre eux que pour ceux
qui y viennent volontairement?
-- Pardon, pardon. Ah! monseigneur, que de joie j'eprouve a voir
Votre Grandeur!
-- Chut! Y songez-vous, mon cher monsieur de Baisemeaux! Que
voulez vous qu'on pense de voir un eveque dans l'attirail ou je
suis?
-- Ah! pardon, excuse, je n'y songeais pas... Le cheval de
Monsieur a l'ecurie! cria Baisemeaux.
-- Non pas, non pas, dit Aramis, peste!
-- Pourquoi cela?
|