mme en
offensant a la fois son pere et sa mere?
-- Mais il me semble, dit de Wardes, que les paroles sont libres,
quand on offre de les soutenir par tous les moyens qui sont a la
disposition d'un galant homme.
-- Ah! monsieur, quels sont les moyens, dites-moi, a l'aide
desquels un galant homme peut soutenir une mechante parole?
-- Par l'epee.
-- Vous manquez non seulement de logique en disant cela, mais
encore de religion et d'honneur; vous exposez la vie de plusieurs
hommes, sans parler de la votre, qui me parait fort aventuree. Or,
toute mode passe, monsieur, et la mode est passee des rencontres,
sans compter les edits de Sa Majeste qui defendent le duel. Donc,
pour etre consequent avec vos idees de chevalerie, vous allez
presenter vos excuses a M. Raoul de Bragelonne; vous lui direz que
vous regrettez d'avoir tenu un propos leger; que la noblesse et la
purete de sa race sont ecrites non seulement dans son coeur, mais
encore dans toutes les actions de sa vie. Vous allez faire cela,
monsieur de Wardes, comme je l'ai fait tout a l'heure, moi, vieux
capitaine, devant votre moustache d'enfant.
-- Et si je ne le fais pas? demanda de Wardes.
-- Eh bien! il arrivera...
-- Ce que vous croyez empecher, dit de Wardes en riant; il
arrivera que votre logique de conciliation aboutira a une
violation des defenses du roi.
-- Non, monsieur, dit tranquillement le capitaine, et vous etes
dans l'erreur.
-- Qu'arrivera-t-il donc, alors?
-- Il arrivera que j'irai trouver le roi, avec qui je suis assez
bien; le roi, a qui j'ai eu le bonheur de rendre quelques services
qui datent d'un temps ou vous n'etiez pas encore ne; le roi,
enfin, qui, sur ma demande, vient de m'envoyer un ordre en blanc
pour M. Baisemeaux de Montlezun gouverneur de la Bastille, et que
je dirai au roi: "Sire, un homme a insulte lachement
M. de Bragelonne dans la personne de sa mere. J'ai ecrit le nom de
cet homme sur la lettre de cachet que Votre Majeste a bien voulu
me donner, de sorte que M. de Wardes est a la Bastille pour trois
ans."
Et d'Artagnan, tirant de sa poche l'ordre signe du roi, le tendit
a de Wardes.
Puis, voyant que le jeune homme n'etait pas bien convaincu, et
prenait l'avis pour une menace vaine, il haussa les epaules et se
dirigea froidement vers la table sur laquelle etaient une
ecritoire et une plume dont la longueur eut epouvante le
topographe Porthos.
Alors de Wardes vit que la menace etait on ne peut plus serieu
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