la princesse d'Angleterre.
Raoul fit diligence; en dix-huit heures il arriva a Blois. Il
avait prepare en route ses meilleurs arguments. La fievre aussi
est un argument sans replique, et Raoul avait la fievre.
Athos etait dans son cabinet, ajoutant quelques pages a ses
memoires, lorsque Raoul entra conduit par Grimaud. Le clairvoyant
gentilhomme n'eut besoin que d'un coup d'oeil pour reconnaitre
quelque chose d'extraordinaire dans l'attitude de son fils.
-- Vous me paraissez venir pour affaire de consequence, dit-il en
montrant un siege a Raoul apres l'avoir embrasse.
-- Oui, monsieur, repondit le jeune homme, et je vous supplie de
me preter cette bienveillante attention qui ne m'a jamais fait
defaut.
-- Parlez, Raoul.
-- Monsieur, voici le fait denue de tout preambule indigne d'un
homme comme vous: Mlle de La Valliere est a Paris en qualite de
fille d'honneur de Madame; je me suis bien consulte, j'aime
Mlle de La Valliere par-dessus tout, et il ne me convient pas de
la laisser dans un poste ou sa reputation, sa vertu peuvent etre
exposees; je desire donc l'epouser, monsieur, et je viens vous
demander votre consentement a ce mariage.
Athos avait garde, pendant cette communication, un silence et une
reserve absolus.
Raoul avait commence son discours avec l'affectation du sang-
froid, et il avait fini par laisser voir a chaque mot une emotion
des plus manifestes.
Athos fixa sur Bragelonne un regard profond, voile d'une certaine
tristesse.
-- Donc, vous avez bien reflechi? demanda-t-il.
-- Oui, monsieur.
-- Il me semblait vous avoir deja dit mon sentiment a l'egard de
cette alliance.
-- Je le sais, monsieur, repondit Raoul bien bas; mais vous avez
repondu que si j'insistais...
-- Et vous insistez?
Bragelonne balbutia un oui presque inintelligible.
-- Il faut, en effet, monsieur, continua tranquillement Athos, que
votre passion soit bien forte, puisque, malgre ma repugnance pour
cette union, vous persistez a la desirer.
Raoul passa sur son front une main tremblante, il essuyait ainsi
la sueur qui l'inondait.
Athos le regarda, et la pitie descendit au fond de son coeur.
Il se leva.
-- C'est bien, dit-il, mes sentiments personnels, a moi, ne
signifient rien, puisqu'il s'agit des votres; vous me requerez, je
suis a vous. Au fait, voyons, que desirez-vous de moi?
-- Oh! votre indulgence, monsieur, votre indulgence d'abord, dit
Raoul en lui prenant les mains.
-- Vous vous me
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