prenez sur mes sentiments pour vous, Raoul; il y a
mieux que cela dans mon coeur, repliqua le comte.
Raoul baisa la main qu'il tenait, comme eut pu le faire l'amant le
plus passionne.
-- Allons, allons, reprit Athos; dites, Raoul, me voila pret, que
faut-il signer?
-- Oh! rien, monsieur, rien; seulement, il serait bon que vous
prissiez la peine d'ecrire au roi, et de demander pour moi a Sa
Majeste, a laquelle j'appartiens, la permission d'epouser
Mlle de La Valliere.
-- Bien, vous avez la une bonne pensee, Raoul. En effet, apres
moi, ou plutot avant moi, vous avez un maitre; ce maitre, c'est le
roi; vous vous soumettez donc a une double epreuve, c'est loyal.
-- Oh! monsieur!
-- Je vais sur-le-champ acquiescer a votre demande, Raoul. Le
comte s'approcha de la fenetre; et se penchant legerement en
dehors:
-- Grimaud! cria-t-il.
Grimaud montra sa tete a travers une tonnelle de jasmin qu'il
emondait.
-- Mes chevaux! continua le comte.
-- Que signifie cet ordre, monsieur?
-- Que nous partons dans deux heures.
-- Pour ou?
-- Pour Paris.
-- Comment, pour Paris! Vous venez a Paris?
-- Le roi n'est-il pas a Paris?
-- Sans doute.
-- Eh bien! ne faut-il pas que nous y allions, et avez-vous perdu
le sens?
-- Mais, monsieur, dit Raoul presque effraye de cette
condescendance paternelle, je ne vous demande point un pareil
derangement, et une simple lettre...
-- Raoul, vous vous meprenez sur mon importance; il n'est point
convenable qu'un simple gentilhomme comme moi ecrive a son roi. Je
veux et je dois parler a Sa Majeste. Je le ferai. Nous partirons
ensemble, Raoul.
-- Oh! que de bontes, monsieur!
-- Comment croyez-vous Sa Majeste disposee?
-- Pour moi, monsieur?
-- Oui.
-- Oh! parfaitement.
-- Elle vous l'a dit?
-- De sa propre bouche.
-- A quelle occasion?
-- Mais sur une recommandation de M. d'Artagnan, je crois, et a
propos d'une affaire en Greve ou j'ai eu le bonheur de tirer
l'epee pour Sa Majeste. J'ai donc lieu de me croire, sans amour-
propre, assez avance dans l'esprit de Sa Majeste.
-- Tant mieux!
-- Mais, je vous en conjure, continua Raoul, ne gardez point avec
moi ce serieux et cette discretion, ne me faites pas regretter
d'avoir ecoute un sentiment plus fort que tout.
-- C'est la seconde fois que vous me le dites, Raoul, cela n'etait
point necessaire; vous voulez une formalite de consentement, je
vous le donne, c'est acquis, n'en parlons plu
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