. En prenant les routes
situees plus en arriere, et qui aboutissaient a la riviere du Ponent,
Moreau craignait de trop s'eloigner des communications de la Toscane,
et de les laisser en prise a l'ennemi, qu'il supposait reuni en masse
autour de Tortone. Dans cette perplexite, il prit sur-le-champ son
parti, et fit les dispositions suivantes. Il detacha la division Victor,
sans artillerie ni bagages, et la jeta par des rentiers praticables a
la seule infanterie, vers les montagnes de Genes. Elle devait se hater
d'occuper tous les passages de l'Apennin pour se joindre a l'armee
venant de Naples, et la renforcer, dans le cas ou elle serait attaquee
par Suwarow. Moreau, ne gardant que huit mille hommes au plus, vint avec
son artillerie, sa cavalerie, et tout ce qui pouvait suivre les sentiers
des montagnes, gagner l'une des routes charretieres qui se trouvaient en
arriere de Ceva, et aboutissaient dans la riviere du Ponent. Il faisait
un autre calcul, en se decidant a cette retraite excentrique, c'est
qu'il attirerait a lui l'armee ennemie, la detournerait de poursuivre
Victor et de se jeter sur Macdonald.
Victor se retira heureusement par Acqui, Spigno et Dego, et vint occuper
les cretes de l'Apennin. Moreau, de son cote, se retira avec une
celerite extraordinaire sur Asti. La prise de Ceva, qui fermait sa
principale communication, le mettait dans un embarras extreme. Il
achemina par le col de Fenestrelle la plus grande partie de ses parcs,
ne garda que l'artillerie de campagne qui lui etait indispensable,
et resolut de s'ouvrir une route a travers l'Apennin, en la faisant
construire par ses propres soldats. Apres quatre jours d'efforts
incroyables, la route fut rendue praticable a l'artillerie, et Moreau
fut transporte dans la riviere de Genes sans avoir retrograde jusqu'au
col de Tende, ce qui l'eut trop eloigne des troupes de Victor detachees
vers Genes.
Suwarow, en apprenant la retraite de Moreau, se hata de le faire
poursuivre; mais il ne sut deviner ni prevenir ses savantes
combinaisons. Ainsi, grace a son sang-froid et a son adresse, Moreau
avait ramene ses vingt mille hommes sans les laisser entamer une seule
fois, en contenant au contraire les Russes partout ou il les avait
rencontres. Il avait laisse une garnison de trois mille hommes dans
Alexandrie, et il etait avec dix-huit mille a peu pres dans les environs
de Genes. Il etait place sur la crete de l'Apennin, attendant l'arrivee
de Macdonald. Il avait porte
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