afin d'y
attendre Macdonald. Si au contraire il trouvait la masse principale, son
projet etait de se replier sur-le-champ, et de regagner en toute hate
la riviere de Genes, par toutes les communications accessibles qui
lui restaient. Une raison qui le decidait surtout a prendre ce parti
decisif, c'etait l'insurrection du Piemont sur ses derrieres. Il fallait
qu'il se rapprochat de sa base le plus tot possible.
Tandis que Moreau formait ce projet fort sage, Suwarow en formait
un autre qui etait depourvu de sens. Sa position a Tortone etait
certainement la meilleure qu'il put prendre, puisqu'elle le placait
entre les deux armees francaises, celle de la Cisalpine et celle de
Naples. Il ne devait la quitter a aucun prix. Cependant il imagina
d'emmener une partie de ses forces au-dela du Po, pour remonter le
fleuve jusqu'a Turin, s'emparer de cette capitale, y organiser les
royalistes piemontais, et faire tomber la position de Moreau. Rien
n'etait plus mal calcule qu'une pareille manoeuvre; car, pour faire
tomber la position de Moreau, il fallait essayer une attaque directe
et vigoureuse, mais par-dessus tout ne pas quitter la position
intermediaire entre les deux armees qui cherchaient a operer leur
jonction.
Tandis que Suwarow divisait ses forces, en laissant une partie aux
environs de Tortone, le long du Tanaro, et portant l'autre au-dela du Po
pour marcher sur Turin, Moreau executait la reconnaissance qu'il avait
projetee. Il avait porte la division Victor en avant pour attaquer
vigoureusement le corps russe qu'il avait devant lui. Il se tenait
lui-meme avec toute sa reserve un peu en arriere, pret a changer cette
reconnaissance en une attaque serieuse, s'il jugeait que le corps russe
put etre accable. Apres un engagement tres-vif, ou les troupes de Victor
deployerent une rare bravoure, Moreau crut que toute l'armee russe etait
devant lui: il n'osa pas attaquer a fond, de peur d'avoir sur les bras
un ennemi trop superieur. En consequence, entre les deux partis qu'il
s'etait propose d'adopter, il prefera le second, comme le plus sur. Il
resolut donc de se retirer vers les montagnes de Genes. Sa position
etait des plus critiques. Tout le Piemont etait en revolte sur ses
derrieres. Un corps d'insurges s'etait empare de Ceva, qui ferme la
principale route, la seule accessible a l'artillerie. Le grand convoi
des objets d'arts recueillis en Italie, courait risque d'etre enleve.
Ces circonstances etaient des plus facheuses
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