ient la
republique d'un nouveau debordement.
Les patriotes, qui fourmillaient dans les cinq-cents, repondaient avec
leur vehemence accoutumee aux discours des partisans du directoire. Il
fallait, disaient-ils, donner une commotion a la France, et lui rendre
l'energie de 1793, que le directoire avait entierement etouffee en
faisant peser sur elle un joug accablant. Tout patriotisme allait
s'eteindre si on n'ouvrait pas les clubs, et si on ne rendait pas la
parole aux feuilles patriotiques. "Vainement, ajoutaient-ils, on accuse
les patriotes, vainement on feint de redouter un debordement de leur
part. Qu'ont-ils fait ces patriotes tant accuses? Depuis trois ans ils
sont egorges, proscrits, sans patrie, dans la republique qu'ils ont
contribue puissamment a fonder et qu'ils ont defendue. Quels crimes
avez-vous a leur reprocher? ont-ils reagi contre les reacteurs? Non. Ils
sont exageres, turbulens; soit. Mais sont-ce la des crimes? Ils parlent,
ils crient meme, si l'on veut; mais ils n'assassinent pas, et tous les
jours ils sont assassines..." Tel etait le langage de Briot (du Doubs),
du Corse Arena, et d'une foule d'autres.
Les membres de l'opposition constitutionnelle s'exprimaient autrement.
Ils etaient naturellement moderes. Ils avaient le ton mesure, mais amer
et dogmatique. Il fallait, suivant eux, revenir aux principes trop
meconnus, et rendre la liberte a la presse et aux societes populaires.
Les dangers de fructidor avaient bien pu valoir une dictature momentanee
au directoire, mais cette dictature donnee de confiance, comment en
avait-il use? Il n'y avait qu'a interroger les partis, disait Boulay
(de la Meurthe). Quoique ayant tous des vues differentes, royalistes,
patriotes, constitutionnels, etaient d'accord pour declarer que le
directoire avait mal use de sa toute-puissance. Un meme accord, chez des
hommes si opposes de sentimens et de vues, ne pouvait pas laisser de
doute, et le directoire etait condamne.
Ainsi les patriotes irrites se plaignaient d'oppression; les
constitutionnels, pleins de pretentions, se plaignaient du mal-gouverne.
Tous se reunirent, et firent abroger les articles de la loi du 19
fructidor relatifs aux journaux et aux societes populaires. C'etait la
une victoire importante, qui allait amener un dechainement d'ecrits
periodiques et le ralliement de tous les jacobins.
L'agitation allait croissante vers les derniers jours de prairial.
Les bruits les plus sinistres couraient de toutes
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