voyez-vous pas, leur repondit Larevelliere,
les dangers plus grands que court la republique? Ne voyez-vous pas que
ce n'est pas a nous qu'on en veut, mais a la constitution; qu'en cedant
aujourd'hui, il faudra ceder demain, et toujours, et que la republique
sera perdue par notre faiblesse? Mes fonctions, ajouta-t-il, me sont a
charge; si je m'obstine a les garder aujourd'hui, c'est parce que
je crois devoir opposer une barriere insurmontable aux complots des
factions. Cependant, si vous croyez tous que ma resistance vous expose
a des perils, je vais me rendre; mais je vous le declare, la republique
est perdue. Un seul homme ne peut pas la sauver; je cede donc, puisque
je reste seul, et je vous remets ma demission."
Il la donna dans la nuit. Il ecrivit une lettre simple et digne pour
exprimer ses motifs. Merlin lui demanda a la copier, et les deux
demissions furent envoyees en meme temps. Ainsi fut dissous l'ancien
directoire. Toutes les factions qu'il avait essaye de reduire s'etaient
reunies pour l'abattre, et avaient mis leurs ressentimens en commun. Il
n'etait coupable que d'un seul tort, celui d'etre plus faible qu'elles;
tort immense, il est vrai, et qui justifie la chute d'un gouvernement.
Malgre le dechainement general, Larevelliere emporta l'estime de tous
les citoyens eclaires. Il ne voulut pas, en quittant le directoire,
recevoir les cent mille francs que ses collegues etaient convenus de
donner au membre sortant; il ne recut pas meme la part a laquelle il
avait droit sur les retenues faites a leurs appointemens; il n'emporta
pas la voiture qu'il etait d'usage de laisser au directeur sortant. Il
se retira a Andilly, dans une petite maison qu'il possedait, et il y
recut la visite de tous les hommes consideres que la fureur des partis
n'intimidait pas. Le ministre Talleyrand fut du nombre de ceux qui
allerent le visiter dans sa retraite.
CHAPITRE XVII.
FORMATION DU NOUVEAU DIRECTOIRE. MOULINS ET ROGER-DUCOS REMPLACENT
LAREVELLIERE ET MERLIN.--CHANGEMENT DANS LE MINISTERE.--LEVEE DE TOUTES
LES CLASSES DE CONSCRITS.--EMPRUNT FORCE DE CENT MILLIONS.--LOI DES
OTAGES.--NOUVEAUX PLANS MILITAIRES.--REPRISE DES OPERATIONS EN
ITALIE; JOUBERT GENERAL EN CHEF; BATAILLE DE NOVI, ET MORT DE
JOUBERT.--DEBARQUEMENT DES ANGLO-RUSSES EN HOLLANDE.--NOUVEAUX TROUBLES
A L'INTERIEUR; DECHAINEMENT DES PATRIOTES; ARRESTATION DE ONZE
JOURNALISTES; RENVOI DE BERNADOTTE; PROPOSITION DE DECLARER LA PATRIE EN
DANGER.
Les
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