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r sa langue dans la tasse. Il l'encourageait de son mieux. Quand il eut acheve son pain, il offrit dans sa cuiller un peu de brioche a Zemire. Elle avait faim, elle ne fit pas la rechignee et mangea la moitie de la brioche. Alors ce brave homme acheva sa tasse de cafe au lait sans honte et sans perdre une miette. Il etait sobre et vivait de peu. Les trois femmes, qui le regardaient a la derobee et le devoraient du regard, se disaient d'un signe imperceptible: --Il n'y a rien de plus simple et de meilleur que cet homme-la. Quand tout fut bu et mange, Zemire s'endormit paisiblement sur le bras de son hote, et le commandant, retenant son souffle, se mit a lire une revue. Nos trois femmes, qui n'etaient pas non plus que Zemire habituees a tant d'emotions, attendirent assez longtemps leur modeste dejeuner; mais elles se consolerent de leur attente, quand le commandant fut arrete dans sa lecture par un de ses freres d'armes. Ils ne s'etaient pas rencontres depuis longtemps, et celui-ci disait a celui-la: --Qu'etes-vous devenu, mon commandant? Nous vous avons laisse mort sur le champ de Solferino, et nous vous avons bien pleure. --Mon cher lieutenant, reprenait le commandant Martin, la guerre et la gloire ont leur mauvaise chance, et tout autre mort que le commandant Martin se fut releve colonel, avec la croix d'officier de la Legion d'honneur. Mais les uns et les autres, vous m'avez trop pleure, et mes lanciers, petits et grands, ont ete quittes avec moi en disant: "C'est dommage!" Revenu de si loin, j'ai retrouve mon grade et mon escadron, et ma louange etant epuisee, on n'a plus parle de moi. Cependant je suis fatigue; j'en ai assez de la guerre. Ah! si j'avais seulement quelque bout de ferme ou je pourrais, en travaillant, gagner douze cents francs de rentes... Mais je suis pauvre et fils d'une humble famille. Il me faut attendre absolument la croix d'or et le titre de colonel. Toutes ces fortunes reunies, j'irai retrouver mon pere, un capitaine marchand du port de Honfleur. Voila toute mon esperance. Acceptez cependant que je vous offre une modeste absinthe, comme autrefois, quand nous etions a l'Ecole militaire et que la cantiniere nous refusait le credit. La jeune fille ne perdait pas un mot de cette conversation, ou se montraient, dans un jour si modeste, le courage et la bonte du soldat. Mariette aussi enfouissait dans son coeur tous les reves de _son_ commandant. A la fin, le lieutenant prit conge de Martin,
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