le au repos, la nuit etait brulante. Il fallut huit jours
pour trouver a Vernon un repit dont ces malheureux avaient si grand
besoin.
Hommes et cavaliers, Vernon leur fut un veritable Paris. Bientot
rafraichis par deux jours de repos, ils gagnerent Rouen, la capitale de
la Normandie, et Rouen les garda trois mois pour remplacer un regiment
de cuirassiers qui tenait garnison dans l'antique Evreux, sous les murs
hospitaliers de Saint-Taurin. Enfin toutes ces forces etant reparees,
hommes et betes en bon etat, le jour vint ou le commandant Martin,
faisant l'inspection de ses lanciers, les trouva si beaux et dans un
etat si prospere:
--Enfants, dit-il, nous entrerons demain dans la capitale du Calvados.
La ville appartient a des magistrats qui nous feront bonne mine d'hotes,
et j'espere que nous nous conduirons tous en honnetes gens.
Le commandant ne haissait pas les bonheurs d'une courte harangue. Il
etait content d'avoir accompli toute sa tache; il se disait que l'heure
du repos etait venue et que maintenant sa destinee etait accomplie,
ayant renonce a toute esperance d'avancement; puis il se sentait chez
lui. Il chantonnait entre ses dents la chanson nationale:
J'irai revoir ma Normandie,
C'est le pays qui m'a donne le jour.
Ainsi songeant, ils entrerent, en bon ordre et rendus a la discipline
austere, dans l'antique cite de Guillaume le Conquerant. La ville de
Caen est l'une des plus vieilles de la grande province. A chaque pas
vous rencontrez une maison curieuse et vous foulez une longue histoire.
La ville est severe, et les habitants, silencieux, respectent le passage
des gens de guerre. Toutefois chaque habitant s'en vint sur le seuil de
son logis saluer ces nouveaux arrives. Il y eut meme (et c'etaient
des joies a n'en pas finir) plus d'un pere et plus d'une mere qui
reconnurent leur fils le brigadier, leur fils le trompette ou le
sous-lieutenant. La troupe alors s'arretait un instant pour les
premieres effusions; puis les passants continuaient leur chemin aux
hennissements des chevaux, qui comprenaient enfin qu'ils etaient
arrives. Le commandant allait cette fois le premier, cherchant, mais en
vain, quelque visage connu. Il entendit cependant a la fenetre d'une
grande maison, gardee par une sentinelle, un cri de surprise et de joie,
et meme il lui sembla qu'une main bienveillante envoyait a son adresse
un baiser qui se sentait dans les airs:
--Si c'etait pour moi! se disait le commandant.
Il s
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