connas, qu'on peut impunement assassiner les gens sous le loyal
et honorable pretexte qu'on est cent contre un; nenni! Un jour
vient ou l'homme retrouve son homme, et je crois que ce jour est
venu aujourd'hui. J'aurais bien envie de casser votre vilaine tete
d'un coup de pistolet; mais, bah! j'ajusterais mal, car j'ai la
main encore tremblante des blessures que vous m'avez faites en
traitre.
-- Ma vilaine tete! hurla Coconnas en sautant de son cheval. A
terre! sus! sus! monsieur le comte, degainons. Et il mit l'epee a
la main.
Je crois que ton huguenot a dit: Vilaine tete, murmura la duchesse
de Nevers a l'oreille de Marguerite; est-ce que tu le trouves
laid?
-- Il est charmant! dit en riant Marguerite, et je suis forcee de
dire que la fureur rend M. de La Mole injuste; mais, chut!
regardons.
En effet, La Mole etait descendu de son cheval avec autant de
mesure que Coconnas avait mis, lui, de rapidite; il avait detache
son manteau cerise, l'avait pose a terre, avait tire son epee et
etait tombe en garde.
-- Aie! fit-il en allongeant le bras.
-- Ouf! murmura Coconnas en deployant le sien, car tous deux, on
se le rappelle, etaient blesses a l'epaule et souffraient d'un
mouvement trop vif.
Un eclat de rire, mal retenu, sortit du buisson. Les princesses
n'avaient pu se contraindre tout a fait en voyant les deux
champions se frotter l'omoplate en grimacant. Cet eclat de rire
parvint jusqu'aux deux gentilshommes, qui ignoraient qu'ils
eussent des temoins, et qui, en se retournant, reconnurent leurs
dames.
La Mole se remit en garde, ferme, comme un automate, et Coconnas
engagea le fer avec un _mordi! _des plus accentues.
-- Ah ca; mais, ils y vont tout de bon et s'egorgeront si nous n'y
mettons bon ordre. Assez de plaisanteries. Hola! messieurs! hola!
cria Marguerite.
-- Laisse! laisse! dit Henriette, qui, ayant vu Coconnas a
l'oeuvre, esperait au fond du coeur que Coconnas aurait aussi bon
marche de La Mole qu'il avait eu des deux neveux et du fils de
Mercandon.
-- Oh! ils sont vraiment tres beaux ainsi, dit Marguerite;
regarde, on dirait qu'ils soufflent du feu.
En effet, le combat, commence par des railleries et des
provocations, etait devenu silencieux depuis que les deux
champions avaient croise le fer. Tous deux se defiaient de leurs
forces, et l'un et autre, a chaque mouvement trop vif, etait force
de reprimer un frisson de douleur arrache par les anciennes
blessures. Cependant, les yeux
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