avait disparu,
annoncant probablement, comme le phenomene postdiluvien, une
longue suite de jours purs et de nuits sereines.
Au reste les soins les plus delicats continuaient d'entourer les
deux blesses; le jour ou chacun d'eux avait pu se lever, il avait
trouve une robe de chambre sur le fauteuil le plus proche de son
lit; le jour ou il avait pu se vetir, un habillement complet. Il y
a plus, dans la poche de chaque pourpoint il y avait une bourse
largement fournie, que chacun d'eux ne garda, bien entendu, que
pour la rendre en temps et lieu au protecteur inconnu qui veillait
sur lui.
Ce protecteur inconnu ne pouvait etre le prince chez lequel
logeaient les deux jeunes gens, car ce prince, non seulement
n'etait pas monte une seule fois chez eux pour les voir, mais
encore n'avait pas fait demander de leurs nouvelles.
Un vague espoir disait tout bas a chaque coeur que ce protecteur
inconnu etait la femme qu'il aimait.
Aussi les deux blesses attendaient-ils avec une impatience sans
egale le moment de leur sortie. La Mole, plus fort et mieux gueri
que Coconnas, aurait pu operer la sienne depuis longtemps; mais
une espece de convention tacite le liait au sort de son ami. Il
etait convenu que leur premiere sortie serait consacree a trois
visites.
La premiere, au docteur inconnu dont le breuvage veloute avait
opere sur la poitrine enflammee de Coconnas une si notable
amelioration.
La seconde, a l'hotel de defunt maitre La Huriere, ou chacun d'eux
avait laisse valise et cheval.
La troisieme, au Florentin Rene, lequel, joignant a son titre de
parfumeur celui de magicien, vendait non seulement des cosmetiques
et des poisons, mais encore composait des philtres et rendait des
oracles.
Enfin, apres deux mois passes de convalescence et de reclusion, ce
jour tant attendu arriva.
Nous avons dit de reclusion, c'est le mot qui convient, car
plusieurs fois, dans leur impatience, ils avaient voulu hater ce
jour; mais une sentinelle placee a la porte leur avait constamment
barre le passage, et ils avaient appris qu'ils ne sortiraient que
sur un _exeat_ de maitre Ambroise Pare.
Or, un jour, l'habile chirurgien ayant reconnu que les deux
malades etaient, sinon completement gueris, du moins en voie de
complete guerison, avait donne cet _exeat_, et vers les deux
heures de l'apres-midi, par une de ces belles journees d'automne,
comme Paris en offre parfois a ses habitants etonnes qui ont deja
fait provision de resigna
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