e!
Etendez-la...
-- En verite?
-- Toute grande.
-- Voici!
-- Plus grande... encore... bien! ... Et Coconnas prit dans sa
poche la poignee d'or preparee pour son medecin anonyme et la
deposa dans la main du bourreau.
-- J'aurais mieux aime votre main seule, dit maitre Caboche en
secouant la tete, car je ne manque pas d'or; mais de mains qui
touchent la mienne, tout au contraire, j'en chome fort. N'importe!
Dieu vous benisse, mon gentilhomme.
-- Ainsi donc, mon ami, dit Coconnas regardant avec curiosite le
bourreau, c'est vous qui donnez la gene, qui rouez, qui ecartelez,
qui coupez les tetes, qui brisez les os. Ah! ah! je suis bien aise
d'avoir fait votre connaissance.
-- Monsieur, dit maitre Caboche, je ne fais pas tout moi-meme;
car, ainsi que vous avez vos laquais, vous autres seigneurs, pour
faire ce que vous ne voulez pas faire, moi j'ai mes aides, qui
font la grosse besogne et qui expedient les manants. Seulement,
quand par hasard j'ai affaire a des gentilshommes, comme vous et
votre compagnon par exemple, oh! alors c'est autre chose, et je me
fais un honneur de m'acquitter moi-meme de tous les details de
l'execution, depuis le premier jusqu'au dernier, c'est-a-dire la
question jusqu'au decollement.
Coconnas sentit malgre lui courir un frisson dans ses veines,
comme si le coin brutal pressait ses jambes et comme si le fil de
l'acier effleurait son cou. La Mole, sans se rendre compte de la
cause, eprouva la meme sensation.
Mais Coconnas surmonta cette emotion dont il avait honte, et
voulant prendre conge de maitre Caboche par une derniere
plaisanterie:
-- Eh bien, maitre! lui dit-il, je retiens votre parole quand ce
sera mon tour de monter a la potence d'Enguerrand de Marigny ou
sur l'echafaud de M. de Nemours, il n'y aura que vous qui me
toucherez.
-- Je vous le promets.
-- Cette fois, dit Coconnas, voici ma main en gage que j'accepte
votre promesse.
Et il etendit vers le bourreau une main que le bourreau toucha
timidement de la sienne, quoiqu'il fut visible qu'il eut grande
envie de la toucher franchement.
A ce simple attouchement, Coconnas palit legerement, mais le meme
sourire demeura sur ses levres; tandis que La Mole, mal a l'aise,
et voyant la foule tourner avec la lanterne et se rapprocher
d'eux, le tirait par son manteau.
Coconnas, qui, au fond, avait aussi grande envie que La Mole de
mettre fin a cette scene dans laquelle, par la pente naturelle de
son caractere, il
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