fevre de la sellerie; il y a une
broderie a y faire qu'il n'avait pas eu le temps d'achever pour
aujourd'hui. Tu reviendras me rendre reponse chez moi.
de Mouy se hata d'obeir, car le duc d'Alencon avait disparu de sa
fenetre, et il est evident qu'il avait concu quelque soupcon.
En effet, a peine avait-il tourne le guichet que le duc d'Alencon
parut. Un veritable Suisse etait a la place de de Mouy.
D'Alencon regarda avec grande attention le nouveau factionnaire;
puis se retournant du cote de Henri:
-- Ce n'est point avec cet homme que vous causiez tout a l'heure,
n'est-ce pas, mon frere?
-- L'autre est un garcon qui est de ma maison et que j'ai fait
entrer dans les Suisses: je lui ai donne une commission et il est
alle l'executer.
-- Ah! fit le duc, comme si cette reponse lui suffisait. Et
Marguerite, comment va-t-elle?
-- Je vais le lui demander, mon frere.
-- Ne l'avez-vous donc point vue depuis hier?
-- Non, je me suis presente chez elle cette nuit vers onze heures,
mais Gillonne m'a dit qu'elle etait fatiguee et qu'elle dormait.
-- Vous ne la trouverez point dans son appartement, elle est
sortie.
-- Oui, dit Henri, c'est possible; elle devait aller au couvent de
l'Annonciade. Il n'y avait pas moyen de pousser la conversation
plus loin, Henri paraissant decide seulement a repondre.
Les deux beaux-freres se quitterent donc, le duc d'Alencon pour
aller aux nouvelles, disait-il, le roi de Navarre pour rentrer
chez lui.
Henri y etait a peine depuis cinq minutes lorsqu'il entendit
frapper.
-- Qui est la? demanda-t-il.
-- Sire, repondit une voix que Henri reconnut pour celle de de
Mouy, c'est la reponse de l'orfevre de la sellerie.
Henri, visiblement emu, fit entrer le jeune homme, et referma la
porte derriere lui.
-- C'est vous, de Mouy! dit-il. J'esperais que vous reflechiriez.
-- Sire, repondit de Mouy, il y a trois mois que je reflechis,
c'est assez; maintenant il est temps d'agir. Henri fit un
mouvement d'inquietude.
-- Ne craignez rien, Sire, nous sommes seuls et je me hate, car
les moments sont precieux. Votre Majeste peut nous rendre, par un
seul mot, tout ce que les evenements de l'annee ont fait perdre a
la religion. Soyons clairs, soyons brefs, soyons francs.
-- J'ecoute, mon brave de Mouy, repondit Henri voyant qu'il lui
etait impossible d'eluder l'explication.
-- Est-il vrai que Votre Majeste ait abjure la religion
protestante?
-- C'est vrai, dit Henri.
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