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duquel, comme tant d'autres plus dignes que moi, j'avais ete mande
a Paris. Cette royaute reelle de Navarre qui devait remplacer une
royaute fictive, vous la convoitez; le roi Henri vous y pousse. de
Mouy conspire avec vous, n'est-ce pas? Mais le duc d'Alencon, que
fait-il dans toute cette affaire? ou y a-t-il un trone pour lui
dans tout cela? Je n'en vois point. Or, le duc d'Alencon est-il
assez votre... ami pour vous aider dans tout cela, et sans rien
exiger en echange du danger qu'il court?
-- Le duc, ami, conspire pour son compte. Laissons-le s'egarer: sa
vie nous repond de la notre.
-- Mais moi, moi qui suis a lui, puis-je le trahir?
-- Le trahir! et en quoi le trahirez-vous? Que vous a-t-il confie?
N'est-ce pas lui qui vous a trahi en donnant a de Mouy votre
manteau et votre chapeau comme un moyen de penetrer jusqu'a lui?
Vous etes a lui, dites-vous! N'etiez-vous pas a moi, mon
gentilhomme, avant d'etre a lui? Vous a-t-il donne une plus grande
preuve d'amitie que la preuve d'amour que vous tenez de moi?
La Mole se releva pale et comme foudroye.
-- Oh! murmura-t-il, Coconnas me le disait bien. L'intrigue
m'enveloppe dans ses replis. Elle m'etouffera.
-- Eh bien? demanda Marguerite.
-- Eh bien, dit La Mole, voici ma reponse: on pretend, et je l'ai
entendu dire a l'autre extremite de la France, ou votre nom si
illustre, votre reputation de beaute si universelle m'etaient
venus, comme un vague desir de l'inconnu, effleurer le coeur; on
pretend que vous avez aime quelquefois, et que votre amour a
toujours ete fatal aux objets de votre amour, si bien que la mort,
jalouse sans doute, vous a presque toujours enleve vos amants.
-- La Mole! ...
-- Ne m'interrompez pas, o ma Margarita cherie, car on ajoute
aussi que vous conservez dans des boites d'or les coeurs de ces
fideles amis, et que parfois vous donnez a ces tristes restes un
souvenir melancolique, un regard pieux. Vous soupirez, ma reine,
vos yeux se voilent; c'est vrai. Eh bien, faites de moi le plus
aime et le plus heureux de vos favoris. Des autres vous avez perce
le coeur, et vous gardez ce coeur; de moi, vous faites plus, vous
exposez ma tete... Eh bien, Marguerite, jurez-moi devant l'image
de ce Dieu qui m'a sauve la vie ici meme, jurez-moi que si je
meurs pour vous, comme un sombre pressentiment me l'annonce,
jurez-moi que vous garderez, pour y appuyer quelquefois vos
levres, cette tete que le bourreau aura separee de mon corps;
jurez
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