s; trois ou quatre piqueurs le suivaient. Tavannes avait
disparu.
-- Le roi! s'ecria le duc d'Alencon. Et il s'elanca sur la trace.
Henri, rassure par la presence de ses bons amis, leur fit signe de
ne pas s'eloigner et s'avanca vers les dames.
-- Eh bien? dit Marguerite en faisant quelques pas au-devant de
lui.
-- Eh bien, madame, dit Henri, nous chassons le sanglier.
-- Voila tout?
-- Oui, le vent a tourne depuis hier matin; mais je crois vous
avoir predit que cela serait ainsi.
-- Ces changements de vent sont mauvais pour la chasse, n'est-ce
pas, monsieur? demanda Marguerite.
-- Oui, dit Henri, cela bouleverse quelquefois toutes les
dispositions arretees, et c'est un plan a refaire.
En ce moment les aboiements de la meute commencerent a se faire
entendre, se rapprochant rapidement, et une sorte de vapeur
tumultueuse avertit les chasseurs de se tenir sur leurs gardes.
Chacun leva la tete et tendit l'oreille.
Presque aussitot le sanglier deboucha, et au lieu de se rejeter
dans le bois, il suivit la route venant droit sur le carrefour ou
se trouvaient les dames, les gentilshommes qui leur faisaient la
cour, et les chasseurs qui avaient perdu la chasse.
Derriere lui, et lui soufflant au poil, venaient trente ou
quarante chiens des plus robustes; puis, derriere les chiens, a
vingt pas a peine, le roi Charles sans toquet, sans manteau, avec
ses habits tout dechires par les epines, le visage et les mains en
sang.
Un ou deux piqueurs restaient seuls avec lui. Le roi ne quittait
son cor que pour exciter ses chiens, ne cessait d'exciter ses
chiens que pour reprendre son cor. Le monde tout entier avait
disparu a ses yeux. Si son cheval eut manque, il eut crie comme
Richard III: Ma couronne pour un cheval!
Mais le cheval paraissait aussi ardent que le maitre, ses pieds ne
touchaient pas la terre et ses naseaux soufflaient le feu.
Le sanglier, les chiens, le roi passerent comme une vision.
-- Hallali, hallali! cria le roi en passant. Et il ramena son cor
a ses levres sanglantes. A quelques pas de lui venaient le duc
d'Alencon et deux piqueurs; seulement les chevaux des autres
avaient renonce ou ils s'etaient perdus.
Tout le monde partit sur la trace, car il etait evident que le
sanglier ne tarderait pas a tenir.
En effet, au bout de dix minutes a peine, le sanglier quitta le
sentier qu'il suivait et se jeta dans le bois; mais, arrive a une
clairiere, il s'accula a une roche et fit tete aux c
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