ez... je l'ai reconnu a sa taille, a la couleur de ses
cheveux, a un sentiment naturel de haine; c'est lui qui ce matin
etait chez M. d'Alencon.
-- Eh bien, quel rapport cela a-t-il avec moi?
-- M. d'Alencon est votre frere; on dit que vous l'aimez beaucoup;
vous lui aurez conte une vague pensee de votre coeur; et lui,
selon l'habitude de la cour, il aura favorise votre desir en
introduisant pres de vous M. de Mouy. Maintenant, comment ai-je
ete assez heureux pour que le roi se trouvat la en meme temps que
lui? c'est ce que je ne puis savoir; mais en tout cas, madame,
soyez franche avec moi; a defaut d'un autre sentiment, un amour
comme le mien a bien le droit d'exiger la franchise en retour.
Voyez, je me prosterne a vos pieds. Si ce que vous avez eprouve
pour moi n'est que le caprice d'un moment, je vous rends votre
foi, votre promesse, votre amour, je rends a M. d'Alencon ses
bonnes graces et ma charge de gentilhomme, et je vais me faire
tuer au siege de La Rochelle, si toutefois l'amour ne m'a pas tue
avant que je puisse arriver jusque-la.
Marguerite ecouta en souriant ces paroles pleines de charme, et
suivit des yeux cette action pleine de graces; puis, penchant sa
belle tete reveuse sur sa main brulante:
-- Vous m'aimez? dit-elle.
-- Oh! madame! plus que ma vie, plus que mon salut, plus que tout;
mais vous, vous... vous ne m'aimez pas.
-- Pauvre fou! murmura-t-elle.
-- Eh! oui, madame, s'ecria La Mole toujours a ses pieds, je vous
ai dit que je l'etais.
-- La premiere affaire de votre vie est donc votre amour, cher La
Mole!
-- C'est la seule, madame, c'est l'unique.
-- Eh bien, soit; je ne ferai de tout le reste qu'un accessoire de
cet amour. Vous m'aimez, vous voulez demeurer pres de moi?
-- Ma seule priere a Dieu est qu'il ne m'eloigne jamais de vous.
-- Eh bien, vous ne me quitterez pas; j'ai besoin de vous, La
Mole.
-- Vous avez besoin de moi? le soleil a besoin du ver luisant?
-- Si je vous dis que je vous aime, me serez-vous entierement
devoue?
-- Eh! ne le suis-je point deja, madame, et tout entier?
-- Oui; mais vous doutez encore, Dieu me pardonne!
-- Oh! j'ai tort, je suis ingrat, ou plutot, comme je vous l'ai
dit et comme vous l'avez repete, je suis un fou. Mais pourquoi
M. de Mouy etait-il chez vous ce soir? pourquoi l'ai-je vu ce
matin chez M. le duc d'Alencon? pourquoi ce manteau cerise, cette
plume blanche, cette affectation d'imiter ma tournure?... Ah!
madame
|