tait bien le livre
qu'elle desirait. Rene descendit, le feuilleta un instant et le
lui rendit tout ouvert.
Catherine alla s'asseoir a une table, Rene posa pres d'elle la
bougie magique, et a la lueur de cette flamme bleuatre, elle lut
quelques lignes a demi-voix.
-- Bien, dit-elle en refermant le livre, voila tout ce que je
voulais savoir.
Elle se leva, laissant le livre sur la table et emportant
seulement au fond de son esprit la pensee qui y avait germe et qui
devait y murir.
Rene attendit respectueusement, la bougie a la main, que la reine,
qui paraissait prete a se retirer, lui donnat de nouveaux ordres
ou lui adressat de nouvelles questions.
Catherine fit plusieurs pas la tete inclinee, le doigt sur la
bouche et en gardant le silence. Puis s'arretant tout a coup
devant Rene en relevant sur lui son oeil rond et fixe comme celui
d'un oiseau de proie:
-- Avoue-moi que tu as fait pour elle quelque philtre, dit-elle.
-- Pour qui? demanda Rene en tressaillant.
-- Pour la Sauve.
-- Moi, madame, dit Rene; jamais!
-- Jamais?
-- Sur mon ame, je vous le jure.
-- Il y a cependant de la magie, car il l'aime comme un fou, lui
qui n'est pas renomme par sa constance.
-- Qui lui, madame?
-- Lui, Henri le maudit, celui qui succedera a nos trois fils,
celui qu'on appellera un jour Henri IV, et qui cependant est le
fils de Jeanne d'Albret.
Et Catherine accompagna ces derniers mots d'un soupir qui fit
frissonner Rene, car il lui rappelait les fameux gants que, par
ordre de Catherine, il avait prepares pour la reine de Navarre.
-- Il y va donc toujours? demanda Rene.
-- Toujours, dit Catherine.
-- J'avais cru cependant que le roi de Navarre etait revenu tout
entier a sa femme.
-- Comedie, Rene, comedie. Je ne sais dans quel but, mais tout se
reunit pour me tromper. Ma fille elle-meme, Marguerite, se declare
contre moi; peut-etre, elle aussi, espere-t-elle la mort de ses
freres, peut-etre espere-t-elle etre reine de France.
-- Oui, peut-etre, dit Rene, rejete dans sa reverie et se faisant
l'echo du doute terrible de Catherine.
-- Enfin, dit Catherine, nous verrons. Et elle s'achemina vers la
porte du fond, jugeant sans doute inutile de descendre par
l'escalier secret, puisqu'elle etait sure d'etre seule.
Rene la preceda, et, quelques instants apres, tous deux se
trouverent dans la boutique du parfumeur.
-- Tu m'avais promis de nouveaux cosmetiques pour mes mains et
pour mes levres
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