-- Il regnera, dit-elle, avec un soupir de desespoir, il regnera!
-- Il regnera, repeta Rene enseveli dans une reverie profonde.
Cependant, bientot cette expression sombre s'effaca des traits de
Catherine a la lumiere d'une pensee qui semblait eclore au fond de
son cerveau.
-- Rene, dit-elle en etendant la main vers le Florentin sans
detourner sa tete inclinee sur sa poitrine, Rene, n'y a-t-il pas
une terrible histoire d'un medecin de Perouse qui, du meme coup, a
l'aide d'une pommade, a empoisonne sa fille et l'amant de sa
fille?
-- Oui, madame.
-- Cet amant, c'etait? continua Catherine toujours pensive.
-- C'etait le roi Ladislas, madame.
-- Ah! oui, c'est vrai! murmura-t-elle. Avez-vous quelques details
sur cette histoire?
-- Je possede un vieux livre qui en traite, repondit Rene.
-- Eh bien, passons dans l'autre chambre, vous me le preterez.
Tous deux quitterent alors la cellule, dont Rene ferma la porte
derriere lui.
-- Votre Majeste me donne-t-elle d'autres ordres pour de nouveaux
sacrifices? demanda le Florentin.
-- Non, Rene, non! je suis pour le moment suffisamment convaincue.
Nous attendrons que nous puissions nous procurer la tete de
quelque condamne, et le jour de l'execution tu en traiteras avec
le bourreau.
Rene s'inclina en signe d'assentiment, puis il s'approcha, sa
bougie a la main, des rayons ou etaient ranges les livres, monta
sur une chaise, en prit un et le donna a la reine.
Catherine l'ouvrit.
-- Qu'est-ce que cela? dit-elle. "De la maniere d'elever et de
nourrir les tiercelets, les faucons et le gerfauts pour qu'ils
soient braves, vaillants et toujours prets au vol."
-- Ah! pardon, madame, je me trompe! Ceci est un traite de venerie
fait par un savant Lucquois pour le fameux Castruccio Castracani.
Il etait place a cote de l'autre, relie de la meme facon. Je me
suis trompe. C'est d'ailleurs un livre tres precieux; il n'en
existe que trois exemplaires au monde: un qui appartient a la
bibliotheque de Venise, l'autre qui avait ete achete par votre
aieul Laurent, et qui a ete offert par Pierre de Medicis au roi
Charles VIII, lors de son passage a Florence, et le troisieme que
voici.
-- Je le venere, dit Catherine, a cause de sa rarete; mais n'en
ayant pas besoin, je vous le rends.
Et elle tendit la main droite vers Rene pour recevoir l'autre,
tandis que de la main gauche elle lui rendit celui qu'elle avait
recu.
Cette fois Rene ne s'etait point trompe, c'e
|