ssi pure qu'une vierge. Je crois en effet qu'elle est
ainsi, et cela augmente mon respect, mon enthousiasme, dirai-je mon
amour? Eh bien, oui, pense de moi ce que tu voudras, je suis amoureux
d'elle au moins autant que de Sylvia. Qu'est-ce que cela fait? Je ne
serai plus l'amant de Sylvia, et je ne chercherai jamais a etre celui de
Fernande. Sylvia m'a declare formellement, clairement et obstinement,
que nous serions desormais amis, et rien de plus. Je ne sais si c'est un
parti pris ou une epreuve a laquelle elle veut me soumettre; pour moi,
je suis un peu las de ses caprices, et je sens que le depit m'aidera
puissamment a m'en consoler. Ce qu'il y a de certain, c'est que Sylvia
se trompe si elle me croit d'humeur a accepter son pardon plus tard; je
renonce a son amour, et le mien achevera de s'eteindre avant qu'elle ait
pris soin de le rallumer.
Malgre cette passion etrange et les rapports un peu problematiques que
nous avons ensemble, il est impossible d'avoir une existence plus
douce que la notre. Jacques, Sylvia et Fernande sont des amis d'elite
certainement, des intelligences pures et degagees de tous les prejuges,
de toutes les considerations etroites et vulgaires. Sylvia va trop loin
dans cette independance pour rendre un amant heureux; mais, a ne la
contempler qu'a la lumiere de l'amitie, c'est un etre d'une originalite
sublime. Jacques a beaucoup de ses idees et de ses sentiments; mais il
est moins absolu, et son caractere est plus aimable et plus doux. Je
ne le connaissais pas, je l'avais mal juge; la maniere dont il m'a
accueilli, la confiance qu'il me temoigne, la loyaute avec laquelle il
accepte ma pretendue amitie pour sa femme, ont quelque chose de si
noble et de si grand que je me mepriserais du jour ou je songerais a le
trouver ridicule. Trahir cette confiance, c'est une idee qui me fait
horreur, une tentation que je n'ai pas besoin de combattre. L'amour que
Fernande a pour lui, et que j'admire comme un des cotes les plus divins
de son ame, suffit pour la preserver a jamais. Je ne sais pas comment
je ferai pour me separer d'elle, pour renoncer a passer mes jours a
ses cotes, mais il est certain que je m'en separerai sans lui laisser
d'amertume et sans emporter de remords.
Je voudrais trouver un moyen de m'etablir dans leurs environs et de
les voir tous les jours sans demeurer chez eux, et sans dependre d'un
caprice de Sylvia, qui peut m'eloigner demain du toit qu'elle habite
sans que j'aie rien a dir
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