tete?
Tu es malade. O mon cher Octave! tu souffres, je le vois; des fantomes
evoques par la fievre troublent ton sommeil; la raison, la memoire et le
jugement t'abandonnent. Tu crois avoir de l'amour pour moi; et, si j'y
repondais, tu aurais horreur de cet amour comme d'un forfait. Non, mon
ami, tu ne m'aimes pas comme tu le crois; tu as besoin d'aimer, et tu te
meprends. C'est Sylvia que tu aimes; et si ce n'est plus elle, c'est un
etre que tu desires, et qui existe pour toi dans quelque autre lieu ou
il faut aller le chercher. Oui, tu as raison, pars, voyage; il faut
distraire ta folie. Helas! tu n'as pu vivre ici, et je croyais que nous
pouvions vieillir ensemble, et j'etais si heureuse de cette idee! Mais
tu gueriras, et tu reviendras, Octave; tu reviendras avec une compagne
digne de toi, et notre bonheur a tous sera plus pur et plus paisible. Tu
dis que je dois avoir devine ton amour; j'aurais vecu mille ans ainsi,
pres de toi, dans cette confiance sacree en ta parole, sans jamais
songer qu'il te fut possible de te parjurer, meme dans le secret de ton
coeur. Et aujourd'hui encore, je suis sure que tu t'abuses; je contemple
ta douleur avec la stupeur et la sollicitude que j'aurais si je te
voyais atteint d'un mal subit, d'une attaque de folie ou de terribles
convulsions. Que pourrais-je penser alors? Rien, sinon que ton mal me
ferait autant souffrir que toi-meme. Comment pourrais-je m'en irriter ou
m'en croire coupable? Je te soignerais avec tendresse, j'essaierais de
te calmer par de douces paroles, par de saintes caresses, et cela te
ferait du bien. Mon ami bien-aime, reviens a toi, reviens a nous; oublie
cette funeste secousse. Brulons ces deux lettres, et qu'il n'en soit
jamais question. Tout cela est un reve; il ne s'est rien passe. Personne
n'a entendu les paroles que tu as proferees dans le delire; elles sont
ensevelies dans mon coeur, et n'en ont point altere le calme et la
tendresse. Une amitie comme la notre peut-elle etre brisee par un
instant d'erreur et de souffrance? Pars, mon ami; mais reviens sans
crainte et sans honte aussitot que tu seras gueri. Cet eclair n'aura pas
laisse de trace sinistre dans notre beau ciel, et tu nous retrouveras
tels que tu nous laisses.
LVII.
D'OCTAVE A FERNANDE.
Tu as raison, ma soeur bien-aimee, je suis fou; mon cerveau et mon coeur
sont malades; il faut que j'aie du courage et que je parte. Tu es un
ange, Fernande; quel billet tu m'ecris! Ah! tu ne sauras jama
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