onnaitre, j'avais une amie dans le sein de
laquelle je versais toutes mes douleurs, et quoiqu'elle fut bien acre et
bien severe dans ses reponses, la seule habitude de lui ecrire tous les
petits evenements de ma vie me soulageait d'un grand poids. Tu as lu ses
lettres, et tu as conclu en me conjurant de destituer cette confidente
et de t'accorder ses fonctions. Je ne sais pas si elle etait, comme
tu le pretends, une fausse et mauvaise amie, mais elle etait bien
certainement au-dessous de toi, mon cher et bon Octave. Oh! qu'elle
etait loin, cette Clemence, d'avoir ta douceur et ta sensibilite! Elle
m'effrayait, et tu me persuades; elle me menacait de maux inevitables,
et tu m'apprends a m'en preserver; car tu as au moins autant de raison
et de jugement qu'elle, et, de plus, tu sais comment il faut me parler
et me convaincre. Depuis que tu es ici, et que je me suis habituee a
t'ouvrir mon coeur a chaque instant, je me suis guerie des petites
maladies morales et corrigee des nombreux defauts qui compromettaient et
troublaient mon bonheur. Tu m'as appris a accepter les souffrances de la
vie journaliere, a tolerer les imperfections de l'amour, a ne demander
que ce qui est possible au coeur humain; tu m'as enseigne la justice,
et tu m'as appris a aimer Jacques comme il faut l'aimer pour le rendre
heureux. Mon bonheur et le sien sont donc ton ouvrage, o mon cher ami!
et je suis si accoutumee a avoir recours a toi en tout, que ma felicite
serait ruinee du jour ou je le perdrais; je retomberais peut-etre dans
mes anciens torts, et je perdrais le fruit de tes conseils. Reste donc,
et ne parle jamais de t'eloigner. Notre vie sera plus belle encore
qu'elle ne l'a ete jusqu'ici. Mes enfants grandiront sous tes yeux, et
nous les eleverons; nous prendrons de leur intelligence le meme soin que
nous prenons aujourd'hui de leurs petites personnes. Apres eux et apres
Jacques, tu seras ce que j'aurai de plus cher au monde; car je t'aime
encore mieux que Sylvia, et pourtant je regarde et je cheris Sylvia
comme ma soeur. Mais ton caractere a bien plus de rapport avec le mien,
et je me sens bien plus de confiance et d'entrainement vers toi; a
present surtout, il me semble que nous avons recu un nouveau bapteme, et
que Dieu nous abandonnerait si nous l'invoquions separement.
Garde mon bracelet, a une condition: c'est que tu y feras remettre
le chiffre de Jacques, sans effacer le tien; qu'ils soient tous deux
enlaces au mien, et que ton coeur n
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