toutes
les duretes et les bizarreries de Sylvia, l'aime davantage chaque jour,
en proportion des maux qu'il souffre pour elle? D'ou vient que Jacques
ne peut se faire enfant avec moi, comme Octave se fait esclave et
victime patiente avec Sylvia? A present Jacques semble content, parce
que mes enfants me distraient de lui, et que Sylvia le distrait de moi;
il n'est pas jaloux de mes enfants, et moi je suis jalouse de sa soeur.
Il n'y a plus en apparence entre nous que de l'amitie; il n'en souffre
pas, et je passe les nuits a pleurer notre amour.
Cette Sylvia, avec son ame de bronze, est-ce la une femme? Jacques ne
devrait-il pas preferer celle qui mourrait en le perdant a celle qui est
toujours preparee a tous les malheurs, et toujours sure de se consoler
de tout? Mais on n'aime que son pareil en ce monde. D'ou vient donc,
alors, que j'aime toujours Jacques? Toute sa force, toute sa grandeur,
ne servent pas a rendre son amour aussi solide et aussi genereux que le
mien.
Sylvia ne s'occupe pas plus d'Octave que s'il n'avait jamais existe;
elle sait pourtant qu'il est ici et qu'il n'y est venu que pour elle.
Elle dort, elle chante, elle lit, elle cause avec Jacques des etoiles
et de la lune, et ne daigne pas jeter sur la terre un regard a l'amant
devoue qui pleure a ses pieds. Octave est pourtant digne d'un meilleur
sort et d'un plus tendre amour. Il a une si douce eloquence, un coeur si
pur, une figure si interessante! Je le connais a peine, et je me sens
pour lui de l'amitie, tant il a su m'interesser a son sort et me
montrer ingenument le fond de son ame! Combien je voudrais pouvoir le
reconcilier avec Sylvia et le voir fixe pres de nous! Quel aimable ami
ce serait pour moi! Quelle douce vie nous menerions a nous quatre! Je
mettrai tous mes soins a ce que ce beau reve se realise; ce sera une
bonne action, et Dieu peut-etre benira mon amour, pour avoir rallume
celui d'Octave et de Sylvia.
XLIII.
D'OCTAVE A FERNANDE.
Vous m'avez laisse, ce soir, si console, si heureux, o ma belle amie! o
mon cher ange tutelaire! que j'ai besoin, en rentrant sous mon toit de
fougeres, de vous remercier et de vous dire tout ce que j'ai dans le
coeur d'espoir et de reconnaissance. Oui, vous reussirez! vous le voulez
fortement, avez-vous dit; vous vous mettrez a genoux pres de moi, s'il
le faut, pour implorer la fiere Sylvia, et vous vaincrez son orgueil.
Que Dieu vous entende! Comme j'ai bien fait de m'adresser a vous et
d'es
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