a seduire ta femme.
Quant a elle, il est impossible qu'elle se laisse seduire ainsi et
qu'elle sache mentir avec cet aplomb. Je ne sais rien encore; ce qui
se passe me semble bizarre, et je ne me chargerai pas de t'en donner
l'explication a present. Je ne sais comment ils peuvent etre deja amis,
mais ils ne sont point amants, j'en reponds. Je connais, non leur
conduite actuelle, mais leur ame. Ne juge donc pas, tiens-toi
tranquille, attends; demain tu sauras tout, j'espere. Je suis fachee de
ne pouvoir te donner une explication plus satisfaisante aujourd'hui,
mais je ne veux point questionner Fernande; je ne veux pas qu'elle se
doute de tes soupcons. Tout ce que je puis oser te dire, c'est qu'elle
ne les merite pas. Adieu, Jacques; tache de dormir cette nuit. Quoi
qu'il arrive, je ferai ce que tu voudras; ma vie t'appartient.
XLVIII.
DE FERNANDE A OCTAVE.
Courage! mon ami, courage! j'ai parle enfin a Sylvia, et j'espere; j'ai
trouve une occasion favorable. Vous m'aviez tellement recommande de ne
rien precipiter, que je tremblais d'agir trop vite; mais, d'un autre
cote, je craignais de ne jamais retrouver un moment aussi propice.
Jamais je n'avais vu Sylvia aussi prevenante, aussi bonne, aussi
expansive avec moi; elle semblait desirer de m'entendre. Elle est venue
dans ma chambre hier soir, et m'a demande pourquoi j'etais triste. Je le
lui ai dit: Jacques lui avait ecrit de Blosse pour avoir des nouvelles
des enfants, et il ne m'avait pas adresse une ligne. Je ne peux pas
m'offenser de cette preference si marquee pour Sylvia, mais je puis
m'affliger du tort qu'elle me fait. Je le lui ai dit ingenument. Elle
m'a embrassee avec effusion en me disant: "Est-il possible, ma pauvre
enfant, que je sois un sujet de chagrin pour toi, moi qui esperais
contribuer a ton bonheur, et l'entretenir, sinon l'augmenter, par ma
tendresse? Eh quoi! Fernande, crois-tu donc que je sois une femme aux
yeux de Jacques?--Non, lui ai-je repondu; je sais, ou du moins je crois
savoir que tu es sa soeur, mais je n'en suis que plus sure de mon
malheur: il t'aime mieux que moi.--Non, Fernande! non, s'est-elle
ecriee. S'il en etait ainsi, j'estimerais et j'aimerais moins Jacques.
Tu es ce qu'il a de plus cher au monde, tu es son amante, la mere de ses
enfants. Et tu l'aimes par-dessus tout, n'est-il pas vrai?--Par-dessus
tout, ai-je repondu.--Et tu n'as jamais eu un tort grave envers
lui?--Jamais, ai-je dit avec assurance, j'en prends Dieu a
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