es torts de ton
mari, et tu t'efforces de le prouver qu'il t'a fallu bien du courage et
du devouement pour l'aimer jusqu'ici. Mais toute cette theorie d'amour
et d'infidelite est fondee sur des principes faux. D'abord, tu n'as
jamais eu d'amour veritable pour M. Jacques; ensuite, rien dans sa
conduite n'autorise les fautes que tu vas commettre. D'apres tout ce que
tu m'as raconte de lui, je vois qu'il est le meilleur homme du monde, et
qu'il n'a d'autre tort dans tout ceci que d'avoir le double de ton age.
Pourquoi lui en chercher de plus graves? Pourquoi accuser son caractere
et son coeur? Fernande, cela est injuste et ingrat. Il suffit de tromper
ton mari, il ne faut pas le calomnier. Avoue que tu es jeune, etourdie,
que tes principes ont peu de solidite et ton caractere aucune energie;
que tu sens le besoin d'aimer et que tu t'y abandonnes. Ce sont la des
malheurs et non pas des crimes; mais aie au moins la noblesse de
rendre justice a ton mari, et de ne l'accuser de rien, sinon d'avoir
trente-cinq ans et de t'avoir epousee.
Je gage qu'a l'heure qu'il est tu as verse dans le sein de M. Octave le
secret de tes chagrins domestiques, car il t'a raconte ce qu'il avait eu
a souffrir de Sylvia ou de quelque autre, et ce recit a eveille en toi
tant de sympathie que tu as decide en une heure d'en faire ton ami
et ton frere. Des lors tu agis en consequence, les billets et les
rendez-vous vont leur train. Quel billet que ce premier billet de M.
Octave! quelle passion, quels eloges, quelles prieres, quelles tendres
expressions! et tout cela pour toi, Fernande! Aussi, tu ne l'as pas fait
attendre, et tu etais au rendez-vous avant lui, je parie. A present, il
doit t'avoir dit clairement que c'est toi et non Sylvia qu'il aime, ou
du moins que, s'il a jamais connu et aime celle-ci, tu la lui as fait
parfaitement oublier. Cela aura pu t'empecher pendant deux jours d'aller
au grand ormeau, mais le troisieme tu n'auras pu y tenir, et vous en
etes maintenant au delire charmant de l'amour platonique. Il est convenu
qu'on respectera l'honneur de M. Jacques, jusqu'a ce que les sens
l'emportent par surprise, quelque beau soir, sur la volonte. Moyennant
quelques louis, sortis de la poche de M. Octave, Rosette n'a-t-elle pas
deja quelque entorse, une ecorchure au pied qui l'empeche de marcher
jusqu'a l'entree du vallon? Ai-je devine juste, ou ne s'est-il rien
passe de pareil a tout ce que je suppose?
Il peut se presenter un hasard qui cha
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