it t'arriver un jour; avec ton
caractere faible et l'absence de sympathie qui existe entre ton mari
et toi, cela m'a toujours semble inevitable; mais j'esperais que tu
resisterais plus longtemps a ton destin, et que tu soutiendrais contre
lui une lutte plus noble et plus courageuse. C'est se laisser vaincre
trop vite. Ma pauvre Fernande, tu es dans l'age ou l'on ne sait pas
encore tirer parti de son mauvais sort, et conduire au moins prudemment
une affaire de coeur. Tu vas te compromettre, te laisser decouvrir par
ton mari; lui demander pardon, l'obtenir; le tromper encore, et peu a
peu devenir son ennemie ou son esclave. Fernande, est-il possible que tu
n'aies pu attendre deux ou trois ans!
Je sais que tu es pure encore, et qu'avant de commettre ta premiere
faute tu verseras bien des larmes inutiles, et que tu adresseras a tous
les anges protecteurs bien des prieres perdues; mais le mal est deja
fait et le peche commis dans ton coeur. Tu aimes, il n'y a pas a dire,
mon amie, tu aimes un autre homme que ton mari.
Tu ne le savais pas encore en m'ecrivant; sans quoi tu ne m'aurais
peut-etre pas ecrit ce qui se passe; mais cela est aussi clair pour moi
que l'avenir et le passe de ma pauvre Fernande. Cet Octave est jeune, tu
as remarque qu'il a une figure charmante; il entre par tes fenetres, il
joue du hautbois et endort tes enfants d'une maniere magique; il joue au
roman autour de toi, et te voila troublee, confuse, emue, c'est-a-dire
eprise. Tu pouvais tres-bien raconter des le commencement a ton mari les
impertinences de M. Octave, et y couper court sans meriter le plus leger
reproche de la part de M. Jacques. Mais ce serait finir trop vite une
aventure qui t'amuse et te charme bien plus qu'elle ne te fait peur;
car tu es prete a te trouver mal de frayeur chaque fois que le lutin
apparait, et pourtant tu t'arranges toujours de maniere a l'evoquer
dans l'obscurite. Enfin l'ennemi change ses batteries, et, pour
t'apprivoiser, te parle d'un amour qu'il n'a peut-etre jamais eu pour
Sylvia, et qui bien certainement n'est qu'un pretexte pour arriver a
toi. Tu accueilles ce pretexte avec empressement, et sans concevoir le
plus leger soupcon sur sa sincerite, tu cours au rendez-vous, et
te voila engagee dans une intrigue d'amour qui aura les resultats
accoutumes, quelques plaisirs et beaucoup de larmes.
Il est bien vrai que, pour te disculper a tes propres yeux du nouvel
amour que tu sens fermenter en toi, tu recapitules l
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