ances de M. de la Roche-Odon furent si vives, sa confiance dans
une heureuse conclusion s'etablit si fermement qu'il crut pouvoir
faire part de son projet a Berengere,--au moins en ce qui touchait la
conversion du capitaine, et sans lui rien dire, bien entendu, de ce qui
resulterait de cette conversion. A ses yeux, cette explication aurait
l'avantage d'empecher Berengere de chercher ce qui motivait leurs
entrevues frequentes et leurs longs entretiens.
Aux premieres paroles de son grand-pere elle se troubla et palit; mais
peu a peu elle se remit.
--Et tu as bon espoir de reussir? demanda-t-elle, avec un leger
tremblement de voix qui trahissait son emotion interieure.
--Sans doute; cependant je ne peux rien affirmer, et ce serait aller
trop vite et trop loin de considerer cette conversion comme accomplie:
il faut attendre.
--Ce serait un grand bonheur.
--Un grand bonheur, assurement, et que je souhaite de tout mon coeur.
XXIII
Grande avait ete la surprise de Berengere en entendant son grand-pere
lui parler du capitaine et de ses projets de conversion a l'egard de
celui-ci.
Qui avait suscite ces projets?
Comme tous les enfants malheureux, et elle avait ete horriblement
malheureuse pendant sa premiere jeunesse, Berengere avait pris
l'habitude de ne jamais laisser passer une question qui la surprenait
sans lui chercher une explication ou tout au moins une raison.
Combien de fois, alors qu'elle vivait pres de sa mere, avait-elle devine
ainsi d'etranges choses qui n'etaient pas de son age et que cependant,
par une sorte d'intuition mysterieuse, elle comprenait: terrible
education qui, par bonheur pour elle, avait ete interrompue au moment ou
elle menacait de devenir pernicieuse.
Suivant cette habitude, elle se mit donc a analyser le projet de son
grand-pere et a s'en demander le pourquoi.
Assurement ce n'etait pas l'esprit seul de proselytisme qui lui avait
donne naissance: malgre sa foi militante, M. de la Roche-Odon vivait
aupres des gens en respectant leurs croyances ou en tolerant leurs
erreurs sans chercher a les convertir. C'etait plutot l'esprit de
tolerance que l'esprit de conversion qui animait son grand-pere, et s'il
prechait sa foi, c'etait plutot par l'exemple que par la parole.
D'ailleurs puisqu'il avait jusqu'a ce moment accepte les idees de
Richard (quand elle pensait au capitaine, elle disait Richard tout
court, et non le capitaine ou M. de Gardilane), il n'etait pas
admissible
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