que vous sachiez quelles idees sont les miennes.
Comme le capitaine ne repliquait rien, le comte insista:
--Cela est vrai, n'est-ce pas?
--Assurement, et d'une telle evidence, que je ne croyais pas avoir
besoin de repondre a votre interrogation.
--Il vaut toujours mieux s'expliquer.
--Je connais et j'admire votre foi.
--Eh bien! mon cher ami, je voudrais en dire autant de vous; je ne
connais pas vos croyances, je ne sais pas ce qu'elles sont et ne sais
meme pas si vous en avez. Dans la conversation et dans les relations de
la vie, je vous ai toujours vu d'une tolerance parfaite pour les
idees des autres, les respectant en tout; et les quelques paroles de
scepticisme ou de raillerie qui vous ont quelquefois echappe etaient
si benignes, que je me demande ce qu'il faut penser de vous, ou, pour
parler franchement, je vous le demande.
Cette fois il n'y avait plus moyen de s'echapper, il fallait repondre.
Ce fut le coeur serre et la voix presque tremblante que le capitaine fit
sa reponse:
--Il me semble que precisement cette tolerance parlait pour moi.
--Comment cela?
--Qui dit croyant dit absolu dans sa foi, convaincu de l'excellence de
cette foi et plein de mepris pour les erreurs des autres.
--Ah! mepris!
--Pitie, si vous voulez.
--Pas toujours; je vous assure que quant a moi je n'ai ni mepris ni
pitie pour les idees qui ne sont pas les miennes; mais il ne s'agit pas
de moi, il s'agit de vous; ainsi votre tolerance est de l'indifference?
--Il me semble qu'il faut tout comprendre et tout admettre, la foi aussi
bien que l'incredulite.
--C'est la ce que j'appelle l'indifference religieuse.
Le capitaine garda le silence, fort embarrasse, encore plus emu.
S'il avait eu plus de liberte d'esprit il aurait remarque que M. de la
Roche-Odon n'etait pas moins emu que lui, et il aurait ete bien certain
que ces questions n'etaient point dictees par une vaine curiosite.
M. de la Roche-Odon continua:
--Il y a deux especes d'indifferences; on est indifferent en matieres
religieuses parce qu'on est entraine par les affaires ou les plaisirs de
la vie, de sorte qu'on n'a pas le temps de penser a Dieu; ou bien on est
indifferent parce qu'on rejette la religion comme inutile ou nuisible;
laquelle de ces indifferences est la votre?
Comme le capitaine ne repondait pas, car il ne pouvait le faire avec
sincerite qu'en s'exposant a perdre Berengere, tant la situation etait
grave maintenant et tant les
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