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promene, insouciante, d'un horizon a l'autre, les parfums et les
effluves de la vie. Oui, cette femme, selon vous si frivole, est, selon
moi, plus active et plus bienfaisante que vous. Elle porte en elle la
grace et la lumiere; sa seule presence est un charme, son regard est le
soleil de la poesie, son sourire est l'inspiration ou la recompense du
poete. Elle se contente d'etre, et l'on vit, l'on aime autour d'elle!
Tant pis pour vous si vous n'avez pas senti ce rayon penetrer en vous et
donner a votre etre une puissance et des joies nouvelles!"
Je parlais sous l'inspiration du depit. Je croyais parler a Valvedre, et
je me consolais de ma blessure en bravant la raison et la verite. Alida
fut saisie par ce qu'elle prenait pour de l'eloquence veritable. Elle se
jeta dans mes bras; sensible a la louange, avide de rehabilitation, elle
versa des larmes qui la soulagerent.
--Ah! tu l'emportes, s'ecria-t-elle, et, de ce moment, je suis a toi.
Jusqu'a ce moment,--oh! pardonne-moi, plains-moi, tu vois bien que je
suis sincere!--j'ai conserve pour Valvedre une affection depitee, melee
de haine et de regret; mais, a partir d'aujourd'hui, oui, je le jure a
Dieu et a toi, c'est toi seul que j'aime et a qui je veux appartenir a
jamais. C'est toi le coeur genereux, l'epoux sublime, l'homme de genie!
Qu'est-ce que Valvedre aupres de toi? Ah! je l'avais toujours dit,
toujours cru, que les poetes seuls savent aimer, et que seuls ils ont le
sens des grandes choses! Mon mari me repousse et m'abandonne pour une
faute legere apres dix ans de fidelite reelle, et, toi qui me connais a
peine, toi a qui je n'ai donne aucun bonheur, aucune garantie, tu me
devines, tu me releves et tu me sauves. Tiens, partons! va m'attendre a
la frontiere; moi, je cours embrasser mes enfants et signifier a M. de
Valvedre que j'accepte ses conditions.
Transportes de joie et d'orgueil, alleges pour le moment de toute
souffrance et de toute apprehension, nous nous separames apres nous etre
entendus sur les moyens de hater notre fuite.
Alida alla rejoindre M. de Valvedre chez les Obernay, ou, en presence
d'Henri, elle devait lui parler, pendant que je quitterais le casino
pour n'y jamais rentrer. Moi aussi, je voulais parler a Henri, mais non
dans une auberge, car je ne devais pas laisser savoir a sa famille que
je fusse reste ou revenu a Geneve, et, le jour de la noce, j'avais ete
vu de trop de personnes de l'intimite des Obernay pour ne pas risquer
d'
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