tai les offres d'Obernay sans les connaitre, a la seule condition
de pouvoir decider mon vieux pere a venir se fixer pres de moi. Ne
devant plus rien a personne, je n'etais pas en peine de l'etablir
convenablement et de lui consacrer mes soins.
Blanville etait un lieu admirable, avec une habitation simple, mais
vaste et riante. Les belles ondes du Leman venaient doucement mourir au
pied des grands chenes du parc. Quand nous approchames, Obernay arrivait
au-devant de nous dans une barque avec Edmond Valvedre, grand, beau et
fort, ramant lui-meme avec _maestria_. Les deux freres s'adoraient et
s'etreignirent avec une ardeur touchante. Obernay m'embrassa en toute
hate et pressa le retour. Je vis bien qu'il me menageait quelque
surprise et qu'il etait impatient de me voir heureux; mais le heros de
la fete fit manquer le coup de theatre qu'on me preparait. Plus
impatient que tous les autres, mon vieux pere goutteux, courant et se
trainant moitie sur sa bequille, moitie sur le bras jeune et solide de
Rosa, vint a ma rencontre sur la greve.
--Oh! mon Dieu, mon Dieu, c'est trop de bonheur! m'ecriai-je. Vous
trouver la, vous!
--C'est-a-dire m'y retrouver definitivement, repondit-il, car je ne m'en
vais plus d'ici, moi! On s'est arrange comme je l'exigeais; je paye ma
petite pension, et je ne regrette pas tant qu'on le croirait mes
brouillards de Belgique. Je ne serai pas fache de mourir en pleine
lumiere au bord des flots bleus. Tout cela, tu comprends? c'est pour te
dire tout de suite que tu restes et que nous ne nous quittons plus!
Paule arriva aussi en courant avec Moserwald, a qui elle reprochait
d'etre moins agile qu'une nourrice portant son poupon. Je vis du premier
coup d'oeil qu'on s'etait intimement lie avec lui et qu'il en etait
fier. L'excellent homme fut bien emu en me voyant. Il m'aimait toujours
et mieux que jamais, car il etait force de m'estimer. Il etait marie, il
avait epouse des millions israelites, une bonne femme vulgaire qu'il
aimait parce qu'elle etait sa femme et qu'elle lui avait donne un
heritier. Il avait fini le roman de sa vie, disait-il, sur une page
trempee de larmes, et la page n'avait jamais seche.
Le pere et la mere d'Obernay n'avaient presque pas vieilli; la securite
du bonheur domestique leur faisait un automne majestueux et pur. Ils
m'accueillirent comme autrefois. Connaissaient-ils mon histoire? Ils ne
me l'ont jamais laisse deviner.
Deux personnes l'ignoraient a coup sur, Adelai
|