de et Rosa. Adelaide etait
toujours admirablement belle, et meme plus belle encore a vingt-cinq ans
qu'a dix-huit; mais elle n'etait plus, sans contestation, la plus belle
des Genevoises: Rosa pouvait, sinon l'emporter, du moins tenir la
balance en equilibre. Ni l'une ni l'autre n'etait mariee; elles etaient
toujours les inseparables d'autrefois, toujours gaies, studieuses, se
taquinant et s'adorant.
Au milieu de l'affectueux accueil de tous, je m'inquietais de celui qui
m'attendait de la part de mademoiselle Juste. Je savais qu'elle
demeurait a Blanville, et ne m'etonnais pas qu'elle ne vint pas a ma
rencontre. Je demandai de ses nouvelles. Henri me repondit qu'elle etait
un peu souffrante et qu'il me conduirait la saluer.
Elle me recut gravement, mais sans antipathie, et, Henri nous ayant
laisses seuls, elle me parla du passe sans amertume.
--Nous avons beaucoup souffert, me dit-elle,--et, quand elle disait
_nous_, elle sous-entendait toujours son frere;--mais nous savons que
vous ne vous etes ni epargne ni etourdi depuis ce temps-la. Nous savons
qu'il faut, je ne dis point oublier, cela n'est pas possible, mais
pardonner. Une grande force est necessaire pour accepter le pardon, plus
grande que pour l'offrir, je sais cela aussi, moi qui ai de l'orgueil!
Donc, je vous estime beaucoup d'avoir le courage d'etre ici. Restez-y.
Attendez mon frere. Affrontez le premier abord, quel qu'il soit, et,
s'il prononce ce mot terrible et sublime: _Je pardonne!_ courbez la tete
et acceptez.--Alors, seulement alors, vous serez absous a mes yeux... et
aux votres, mon cher monsieur Francis!
Valvedre arriva huit jours apres. Il vit ses enfants d'abord, puis sa
soeur ainee et Henri. Sans doute, celui-ci plaida ma cause; mais il ne
me convenait pas d'en attendre le jugement. Je le provoquai. Je me
presentai a Valvedre avant peut-etre qu'il eut pris une resolution a mon
egard. Je lui parlai avec effusion et loyaute, hardiment et humblement,
comme il me convenait de le faire.
Je mis a nu sous ses yeux tout mon coeur, toute ma vie, mes fautes et
mes merites, mes defaillances et mes retours de force.
--Vous avez voulu que je fusse sauve, lui dis-je; vous avez ete si grand
et si vraiment superieur a moi dans votre conduite, que j'ai fini par
comprendre le peu que j'etais. Comprendre cela, c'est deja valoir mieux.
Je l'ai compris chaque jour davantage depuis sept ans que je me chatie
sans menagement. Donc, si je suis sauve, ce n'est
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