plus!_ Elle en etait jalouse, et vous craignez que son fantome
ne vienne pleurer et menacer a votre chevet! Rassurez-vous, ce sont la
des croyances impies. Les morts sont purs! Ils remplissent ailleurs une
mission nouvelle, et, s'ils se souviennent de nous, c'est pour benir, et
pour demander a Dieu de reparer leurs erreurs et leurs meprises en nous
rendant heureux.
--Etes-vous bien certain de cela? lui dis-je; est-ce la votre foi?
--Oui, inebranlable.
---Eh bien,... tenez! Adelaide, cette splendeur d'intelligence et de
beaute, cette serenite divine, cette modestie adorable... tout cela ne
s'abaissera jamais jusqu'a moi! Que suis-je aupres d'elle? Elle sait
toutes choses mieux que moi: la poesie, la musique, les langues, les
sciences naturelles,... peut-etre la metallurgie, qui sait? Elle verrait
trop en moi son inferieur.
--Encore de l'orgueil! dit Valvedre. Souffre-t-on de la superiorite de
ce qu'on aime?
--Mais... je ne l'aime pas, moi! je la venere, je l'admire, mais je ne
puis l'aimer d'amour!...
--Pourquoi?
--Parce qu'elle en aime un autre.
--Un autre? vous croyez?...
Valvedre resta pensif et comme plonge dans la solution d'un probleme. Je
le regardai attentivement. Il avait quarante-sept ans, mais il eut pu en
cacher dix ou douze. Sa beaute male et douce, d'une expression si haute
et si sereine, etait encore la seule qui put fixer les regards d'une
femme de genie; mais son ame etait-elle restee aussi jeune que son
visage? N'avait-il pas trop aime, trop souffert?
--Pauvre Adelaide! pensai-je, tu vieilliras peut-etre seule comme Juste,
qui a ete belle aussi, femme superieure aussi, et qui, peut-etre comme
toi, avait place trop haut son reve de bonheur!
Valvedre marchait en silence aupres de moi. Il reprit la conversation ou
nous l'avions laissee.
--Alors, dit-il, c'est Rosa qui vous plait?
--C'est a elle seule que j'oserais songer, si j'esperais lui plaire.
--Eh bien, vous avez raison; Rosa vous ressemble davantage. Il y a
toujours un peu de fougue dans son caractere, et ce ne sera pas un
defaut a vos yeux. Avec cela, elle est douce dans la pratique de la vie,
non pas resignee, non pas dominee par des convictions aussi arretees et
aussi raisonnees que celles de sa soeur, mais persuadee et entrainee par
la tendresse qu'elle ressent et qu'elle inspire. Moins instruite, elle
l'est assez pour une femme qui a les gouts du menage et les instincts de
la famille. Oui, Rosa est aussi un rare
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