e lui ai pas demande. Je sais que ces enfants n'ont aucune notion de
son projet. Cette famille-la est trop religieuse pour qu'il s'y commette
des imprudences ou seulement des legeretes. Henri, dans la crainte de
vous creer un trouble en cas de repulsion de la part de la jeune fille
ou de la votre, ne vous en parlera jamais; mais il espere que
l'affection viendra d'elle-meme, et il sait que vous aurez cette fois
confiance en lui. Essayez donc de reprendre gout a la vie, il en est
temps; vous etes dans votre meilleur age pour fonder votre avenir. Vous
me consultez avec une deference filiale, voila mon conseil. Quant a
Paul, je vous le confie avec d'autant moins de merite que je compte
rester au moins un an a Geneve et que je pourrai voir si vous continuez
a faire bon menage ensemble. J'irai souvent a Blanville. L'etablissement
que vous allez faire valoir est bien pres de la. Nous nous verrons, et,
si vous avez d'autres avis a me demander, je vous donnerai non pas ceux
d'un sage, mais ceux d'un ami.
Pendant trois mois, je ne fus occupe que de mon installation
industrielle. J'avais tout a creer, tout a diriger; c'etait une besogne
enorme. Paul, toujours a mes cotes, toujours enjoue et attentif,
s'initiait a tous les details de la pratique, charmant par sa presence
et son enjouement l'exercice terrible de mon activite. Quand je fus au
courant, le chef principal de l'entreprise, qui n'etait autre que
Moserwald, m'assigna une jolie habitation et un traitement plus
qu'honorable.
Je revenais a la vie, a l'amitie, a l'epanouissement de l'ame. Chaque
jour eclaircissait le sombre nuage qui avait si longtemps pese sur moi,
chaque parole amie y faisait percer un rayon de soleil. J'en vins a
songer avec une emotion d'esperance et de terreur au projet d'Henri, que
m'avait revele Valvedre. Valvedre lui-meme y faisait souvent allusion,
et, un jour que, reveur, je regardais de loin les deux soeurs marcher,
radieuses et pures comme deux cygnes, sur les herbes du rivage, il me
surprit, me frappa doucement sur l'epaule et me dit en souriant:
--Eh bien, laquelle?
--Jamais Adelaide! lui repondis-je avec une spontaneite qui etait
devenue l'habitude de mon coeur avec lui, tant il s'etait empare de ma
foi, de ma confiance et de mon respect filial.
--Et pourquoi jamais Adelaide? Je veux savoir pourquoi! Allons, Francis,
dites!
--Ah! cela... je ne puis.
--Eh bien, moi, je vais vous le dire, car elle me l'a dit, _celle qui ne
souffre
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