pas a ma douleur et a
la bonte tres-grande, il est vrai, des autres que je le dois; cette
bonte ne venait pas encore d'assez haut pour reduire un orgueil comme le
mien. Venant de vous, elle m'a dompte, et c'est a vous que je dois tout.
Eprouvez-moi, connaissez-moi tel que je suis aujourd'hui, et
permettez-moi d'etre l'ami devoue de Paul. Par lui, on m'a amene ici
malgre moi; on y a installe mon pere, sans que j'en fusse averti; on
m'offre un emploi important et interessant dans la partie que j'ai
etudiee et que je crois connaitre. On m'a dit que Paul avait une
vocation determinee pour les sciences auxquelles ce genre de travail se
rattache essentiellement, et que vous approuviez cette vocation. On m'a
dit encore que vous consentiriez peut-etre a ce qu'il fit aupres de moi,
et sous ma direction, son premier apprentissage... Mais cela, on a eu de
la peine a me le faire croire! Ce que je sais, ce que je viens vous
dire, c'est que, si ma presence devait vous eloigner de Blanville, ou
seulement vous en faire franchir le seuil avec moins de plaisir, si le
bien qu'on veut me faire vous semblait trop pres de ma faute, et que, me
jugeant indigne de me consacrer a votre enfant, vous desapprouviez la
confiance que m'accorde Obernay, je me retirerais aussitot, sachant
tres-bien que ma vie entiere vous est subordonnee, et que vous avez sur
moi des droits auxquels je ne puis poser aucune limite.
Valvedre me prit la main, la garda longtemps dans la sienne, et me
repondit enfin:
--Vous avez tout repare, et vous avez tant expie, qu'on vous doit un
grand soulagement. Sachez que madame de Valvedre etait frappee a mort
avant de vous connaitre. Obernay vient de me reveler ce que j'ignorais,
ce qu'il ignorait lui-meme, et ce qu'un homme de la science, un homme
serieux, lui a appris dernierement. Vous ne l'avez donc pas tuee...
C'est peut-etre moi! Peut-etre aussi l'eusse-je fait vivre plus
longtemps, si elle ne se fut pas detachee de moi. Ce mystere de notre
action sur la destinee, personne ne peut le sonder. Soumettons-nous au
fait accompli et ne parlons pas du reste. Vous voila. On vous aime, et
vous pouvez encore etre heureux; il est de votre devoir de chercher a
l'etre. Les malheureux volontaires ne sont pas longtemps utiles. Dieu
les abandonne; il veut que la vie soit une floraison et une
fructification. Mariez-vous. Je sais qu'Obernay, dans le secret de sa
pensee, vous destine une de ses soeurs; laquelle, je n'en sais rien, je
ne l
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