ses parents. Il n'avait presque rien oublie de sa mere. Il se rappelait
surtout avoir vu revenir un cercueil apres un an d'absence. Il etait
retourne tous les ans a Valvedre depuis ce temps, avec son frere et sa
tante Juste; mais il n'y avait jamais revu son pere.
--Mon papa n'aime plus cet endroit-la, disait-il; il n'y va plus du
tout.
--Et ton pere..., lui dis-je avec une timidite pleine d'angoisse, il
sait que tu es avec moi?
--Mon pere? Il est bien loin encore. Il a ete voir l'Himalaya. Tu sais
ou c'est? Mais il est en route pour revenir. Dans deux mois, nous le
reverrons. Ah! quel bonheur! Nous l'aimons tant! Est-ce que tu le
connais, toi, mon pere?
--Oui! vous avez tous raison de l'aimer. Est-ce qu'il est absent
depuis...?
--Depuis dix-huit mois; cette fois-ci, c'est bien long! Les autres
annees, il revenait toujours au printemps. Enfin voila bientot
l'automne! Mais, dis donc, Francis, si nous allions un peu _piocher_, au
lieu de bavarder si longtemps?
"Qu'as-tu fait? ecrivais-je a Henri. Tu m'as confie cet enfant, que
j'adore deja, et son pere n'en sait rien! Et il nous blamera peut-etre,
toi de me l'avoir fait connaitre, moi d'avoir accepte un si grand
bonheur. Il commandera peut-etre a Paul d'oublier jusqu'a mon nom. Et,
dans six semaines, je me separerai de mon tresor pour ne le revoir
jamais!... Avais-je besoin de cette nouvelle blessure?... Mais non,
Valvedre pardonnera a notre imprudence; seulement, il souffrira de voir
que son fils a de l'affection pour moi. Et pourquoi le faire souffrir,
lui qui n'a rien a se reprocher!"
Peu de jours apres, je recevais la reponse d'Henri.
"Ma femme vient de me donner une ravissante petite fille. Je suis le
plus heureux des peres. Ne t'inquiete pas de Valvedre. Ne te souviens-tu
pas qu'aux plus tristes jours du passe, il m'ecrivait: "Laissez-lui
"voir les enfants, s'il le desire. Avant tout, qu'il soit "sauve, qu'il
fasse honneur a la memoire de celle "qui a failli porter son nom!" Tu
vois bien que, sans oser le dire, tu avais besoin de cela, puisque tu es
si heureux d'avoir Paolino! Tu verras l'autre aussi. Tu nous verras
tous. Le temps est le grand guerisseur. Dieu l'a voulu ainsi, lui dont
l'oeuvre eternelle est d'effacer pour reconstruire."
Les six semaines passerent vite.--J'avais pris pour mon eleve une
affection si vive, que j'etais dispose a tout pour ne pas me separer de
lui irrevocablement. Je refusai le renouvellement de mon emploi,
j'accep
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