ine speciale." Et
son fils Henri lui a repondu: "C'est bien simple. Je vais du cote ou il
y en a, et je l'y conduirai. J'ai par la des amis qui lui montreront
tout avec de bonnes explications; et me voila."
--Et Henri est parti?... Il vous laisse avec moi?
--Avec vous! Ah! vous disiez que je ne vous connaissais pas! Vous etes
Francis! Je vous cherchais, et j'etais presque sur de vous avoir reconnu
tout de suite!
--Reconnu? Depuis...
--Oh! je ne me souvenais guere de vous; mais votre portrait est dans la
chambre d'Henri, et vous n'etes pas bien different!
--Ah! mon portrait est toujours chez vous?
--Toujours! Pourquoi est-ce qu'il n'y serait pas? Mais, a propos, j'ai
une lettre pour vous, je vais vous la donner.
La lettre etait d'Henri.
"Je n'ai pas voulu te dire ce qui m'amenait. J'ai voulu t'en laisser la
surprise. Et puis tu m'aurais peut-etre fait des observations. Il
t'aurait fallu peut-etre une heure pour _te ravoir_ de cette emotion-la,
et je n'ai pas une heure a perdre. J'ai laisse ma femme sur le point de
me donner un quatrieme enfant, et j'ai peur que son zele ne devance mon
retour. Je ne te dis pas d'avoir soin de notre Paolino comme de la
prunelle de tes yeux. Tu l'aimeras, c'est un demon adorable. Dans six
semaines, jour pour jour, tu me le rameneras a Blanville, pres des bords
du Leman."
J'embrassai Paul en fremissant et en pleurant. Il s'etonna de mon
trouble et me regarda avec son air chercheur et penetrant. Je me remis
bien vite et l'emmenai chez moi, ou son petit bagage avait ete depose
par Henri.
J'etais bien agite, mais, en somme, ivre de bonheur d'avoir a soigner et
a servir cet enfant, qui me rappelait sa mere comme une image confuse a
travers un rayon brise. Par moments, c'etait elle dans ses heures si
rares de gaiete confiante. D'autres fois, c'etait elle encore dans sa
reverie profonde; mais, des que l'enfant ouvrait la bouche, c'etait
autre chose: il avait, non pas reve, mais cherche et medite sur un fait.
Il etait aussi positif qu'elle avait ete romanesque, passionne comme
elle, mais pour l'etude, et ardent a la decouverte.
Je le promenai partout. Je le presentai aux ouvriers comme un fils de
l'atelier, et sur l'heure il fut pris en grande tendresse par ces braves
gens. Je le fis manger avec moi. Je le fis coucher dans mon lit. C'etait
mon enfant, mon maitre, mon bien, ma consolation, mon pardon!
Mais il se passa deux jours avant que j'eusse la force de lui parler de
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