e l'honneur. Que comptes-tu faire? Voyons! Te venger de ta propre
folie en bravant Valvedre, lui donner raison par consequent?
--Je veux le braver, m'ecriai-je. J'ai jure le mariage a sa femme et a
ma propre conscience; donc, je tiendrai parole; mais, jusque-la, je
serai son unique protecteur, parce que M. de Valvedre a predit que je
serais dupe et que je veux le faire mentir, parce qu'il a promis de me
tuer si je ne faisais pas sa volonte, et que je l'attends de pied forme
pour savoir qui des deux tuera l'autre, parce qu'enfin il ne me plait
pas qu'il pense m'avoir intimide, et que je sois homme a subir les
conditions d'un mari qui abdique et qui veut jouer pourtant le beau
role.
--Tu parles comme un fou! dit Obernay en levant les epaules. Si Valvedre
voulait avoir l'opinion pour lui, il laisserait sa femme chercher le
scandale.
--Valvedre ne craint peut-etre pas tant le blame que le ridicule!
--Et toi donc?
--C'est mon droit encore plus que le sien. Il a provoque mon
ressentiment, il devait en prevoir les consequences.
--Alors, c'est decide, tu enleves?
--Oui, et avec tout le mystere possible, parce que je ne veux pas
qu'Alida soit temoin d'une tragedie dont elle ne soupconne pas
l'imminence; et ce mystere, tu ne le trahiras pas, parce que tu n'as pas
envie d'etre le temoin de Valvedre contre moi, ton meilleur ami.
--Mon meilleur ami? Non! tu ne le serais plus; tu peux donner ta
demission, si tu persistes!
--Au prix de l'amitie, comme au prix de la vie, je persisterai; mais
aussitot que j'aurai mis Alida en surete, je reviendrai ici, et je me
presenterai a M. de Valvedre pour lui repeter tout ce que tu viens
d'entendre et tout ce que je te charge de lui dire aussitot que je serai
parti, c'est-a-dire dans une heure.
Obernay vit que ma volonte etait exasperee, et que ses remontrances ne
servaient qu'a m'irriter davantage. Il prit tout a coup son parti.
--C'est bien, dit-il. Quand tu reviendras, tu trouveras Valvedre dispose
a soutenir ta remarquable conversation, et, jusqu'a demain, il ignorera
que je t'ai vu. Pars le plus tot possible, je vais tacher de l'aider a
ne pas trouver sa femme. Adieu! Je ne te souhaite pas beaucoup de
bonheur; car, si tu en pouvais gouter au milieu d'un pareil triomphe, je
te mepriserais. Je compte encore sur tes reflexions et tes remords pour
te ramener au respect des convenances sociales. Adieu, mon pauvre
Francis! Je te laisse au bord de l'abime. Dieu seul peut t'em
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