des
funerailles. Je montai sur la pointe la plus avancee du rocher, et je
distinguai, spectacle navrant, une ligne noire qui se dirigeait vers le
chateau. C'etaient les derniers honneurs rendus par les villageois des
environs a la pauvre Alida; on la descendait dans la tombe, sous les
ombrages de son parc. Quelques voitures annoncaient la presence des amis
qui plaignaient son sort sans le connaitre, car notre secret avait ete
scrupuleusement garde. On la croyait morte dans un couvent d'Italie.
J'essayai pendant quelques instants de douter de ce que je voyais et
entendais. Le chant des pretres, les sanglots des serviteurs et meme, il
me sembla, des cris d'enfants montaient jusqu'a moi. Etait-ce une
illusion? Elle etait horrible, et je ne pouvais m'y soustraire. Cela
dura deux heures! Chaque coup de cette cloche tombait sur ma poitrine et
la brisait. A la fin, j'etais insensible, j'etais evanoui. Je venais de
sentir Alida mourir une seconde fois.
Je ne revins a moi qu'aux approches de la nuit. Je me trainai a la
Rocca, ou mes vieux hotes n'etaient plus qu'un. La femme etait morte. Le
mari m'ouvrit ma chambre sans s'occuper autrement de moi. Il revenait de
l'enterrement de _la dame_, et, veuf depuis quelques semaines, il avait
senti se rouvrir devant ces funerailles la blessure de son propre coeur.
Il etait aneanti.
Je delirai toute la nuit. Au matin, ne sachant ou j'etais, j'essayai de
me lever. Je crus avoir une nouvelle vision apres toutes celles qui
venaient de m'assieger. Obernay etait assis pres de la table d'ou je lui
avais ecrit la veille; il lisait ma lettre. Sa figure assombrie
temoignait d'une profonde pitie.
Il se retourna, vint a moi, me fit recoucher, m'ordonna de me taire, fit
appeler un medecin, et me soigna pendant plusieurs jours avec une bonte
extreme. Je fus tres-mal, sans avoir conscience de rien. J'etais epuise
par une annee d'agitations devorantes et par les atroces douleurs des
derniers mois, douleurs sans epanchement, sans relache et sans espoir.
Quand je fus hors de danger et qu'il me fut permis de parler et de
comprendre, Obernay m'apprit que, prevenu par une lettre de Valvedre, il
etait venu avec sa femme, sa belle-soeur et les deux enfants d'Alida
assister aux funerailles. Toute la famille etait repartie; lui seul
etait reste, devinant que je devais etre la, me cherchant partout, et me
decouvrant enfin aux prises avec une maladie des plus graves.
--J'ai lu ta lettre, ajouta-t-il. Je
|