premier, je m'en contenterai. Je
vaincrai mon sot orgueil, je me dirai que c'est encore plus que je ne
merite, et, si tu as envie de me parler du passe, nous en parlerons
ensemble. Je ne te demande qu'une chose: c'est de n'avoir pas de secrets
pour moi, ton enfant, ton ami, ton esclave; c'est de ne pas te combattre
et t'epuiser en douleurs cachees. Tu crois donc que je n'ai pas de
courage? Si, j'en ai, et pour toi j'en peux avoir jusqu'a l'heroisme. Ne
me menage donc pas, si cela te soulage un peu, et dis-moi que tu ne
m'aimes pas, pourvu que tu me dises ce qu'il faut faire et ce qu'il faut
etre pour que tu m'aimes!
Alida s'attendrit de ma resignation, mais elle n'avait plus la force de
se relever par l'enthousiasme. Elle colla ses levres sur mon front en
pleurant, comme un enfant, avec des cris et des sanglots; puis, ecrasee
de fatigue, elle s'endormit enfin.
Ces emotions la ranimerent un instant; le lendemain, elle fut mieux, et
je vis renaitre l'impatience du depart. C'est ce que je redoutais le
plus.
Nous demeurions pres de Palerme. Tous les jours, j'y allais en courant
pour voir s'il n'y avait rien pour moi a la poste. Ce jour-la fut un
jour d'espoir, un dernier rayon de soleil. Comme j'approchais de la
ville, je vis une voiture de louage qui en sortait et qui venait vers
moi au galop. Un avertissement mysterieux me cria dans l'ame que c'etait
un secours qui m'arrivait. Je me jetai a tout hasard, comme un fou, a la
tete des chevaux. Un homme se pencha hors de la portiere: c'etait lui,
c'etait Moserwald!
Il me fit monter pres de lui et donna l'ordre de continuer, car c'est
chez nous qu'il venait. Le trajet etait si court, que nous echangeames a
la hate les explications les plus pressees. Il avait recu ma lettre,
avec celle que je lui envoyais pour Henri, a deux mois de date, par
suite d'un accident arrive a son secretaire, qui, blesse et gravement
malade, avait oublie de la lui remettre. Aussitot que cet excellent
Moserwald avait connu ma situation, il avait jete au feu ma demande
d'argent a Obernay, il avait pris la poste, il accourait; argent, aide,
affection, il m'apportait tout ce qui pouvait sauver Alida ou prolonger
sa vie.
Je ne voulus pas qu'il la vit sans que j'eusse pris le temps de la
prevenir d'une rencontre amenee, a mon dire, par le hasard. On craint
toujours d'eclairer les malades sur l'inquietude dont ils sont l'objet.
Je craignais aussi que le feroce prejuge d'Alida contre les juifs ne l
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