terrible..., je le connais, et je
ne crois pas etre en reste avec toi, puisque je suis _ton pareil_, comme
dit M. de Valvedre. Eh bien, nous sommes deux etres emportes,
passionnes, impossibles pour les autres, mais necessaires l'un a l'autre
comme l'eclair a la foudre. Nous nous devorerons sur le meme brasier,
c'est notre vie! Separes, nous ne serions ni plus tranquilles ni plus
sages. Va! nous sommes de la race des poetes, c'est-a-dire nes pour
souffrir et pour nous consumer dans la soif d'un ideal qui n'est pas de
ce monde. Nous ne le saisirons donc pas a toute heure, mais nous ne
cesserons pas d'y aspirer; nous le reverons sans cesse et nous
l'etreindrons quelquefois. Que veux-tu de mieux ailleurs, ame
tourmentee? Preferes-tu le neant de la desillusion ou les faciles amours
de la vie mondaine, la retraite a Valvedre ou l'equivoque existence de
la femme sans mari et sans amant? Sache que je me soucie fort peu des
jugements de M. de Valvedre sur ton compte. C'est peut-etre un grand
homme que tu n'as pas compris; mais il ne t'a pas mieux comprise, lui
qui n'a rien su faire de ton individualite, et qui a prononce l'arret de
son impuissance morale le jour ou il a cesse de t'aimer. Que n'etais-je
en face de lui et seul avec lui tout a l'heure! sais-tu ce que je lui
aurais dit? "Vous ne savez rien de la femme, vous qui voulez lui tracer
un role conforme a vos systemes, a vos gouts et a vos habitudes. Vous ne
vous faites aucune idee de la mission d'une creature exquise, et, en
cela, vous etes un pitoyable naturaliste. Vous etes leibnitzien, je le
vois de reste, et vous pretendez que la vertu consiste a concourir au
perfectionnement des choses humaines par la connaissance des choses
divines. Soit! vous prenez Dieu pour type absolu, et, de meme qu'il
produit et regle l'eternelle activite, vous voulez que l'homme cree ou
ordonne sans cesse la prosperite de son milieu par un travail sans
relache. Vous vous emerveillez devant l'abeille qui fait le miel, devant
la fleur qui travaille pour l'abeille; mais vous oubliez le role des
elements, qui, sans rien faire de logique en apparence, donnent a toutes
choses la vie et l'echange de la vie. Soyez un peu moins pedant et un
peu plus ingenieux! Comparez, la logique le veut, les ames passionnees a
la mer qui se souleve et au vent qui se dechaine pour balayer
l'atmosphere et maintenir l'equilibre de la planete. Comparez la femme
charmante, qui ne sait que rever et parler d'amour, a la bris
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