oire qui
n'appartient qu'a Dieu, tu m'as en partie console; mais, ma raison
chancelante s'abime devant tant de grandeur! Qui es-tu donc? Reste ...
oh! reste encore sur cette terre! Replie tes blanches ailes, et ne
regarde pas en haut, avec des paupieres inquietes ... Si tu pars,
partons ensemble!" Le crapaud s'assit sur les cuisses de derriere (qui
ressemblent tant a celles de l'homme!) et, pendant que les limaces, les
cloportes et les limacons s'enfuyaient a la vue de leur ennemi mortel,
prit la parole en ces termes: "Maldoror, ecoute-moi. Remarque ma figure,
calme comme un miroir, et je crois avoir une intelligence egale a la
tienne. Un jour, tu m'appelas le soutien de ta vie. Depuis lors, je n'ai
pas dementi la confiance que tu m'avais vouee. Je ne suis qu'un simple
habitant des roseaux, c'est vrai; mais, grace a ton propre contact, ne
prenant que ce qu'il y avait de beau en toi, ma raison s'est agrandie,
et je puis te parler. Je suis venu vers toi, afin de te retirer de
l'abime. Ceux qui s'intitulent tes amis te regardent, frappes de
consternation, chaque fois qu'ils te rencontrent, pale et voute, dans
les theatres, dans les places publiques, dans les eglises, ou pressant,
de deux cuisses nerveuses, ce cheval qui ne galope que pendant la nuit,
tandis qu'il porte son maitre-fantome, enveloppe dans un long manteau
noir. Abandonne ces pensees, qui rendent ton coeur vide comme un desert;
elles sont plus brulantes que le feu. Ton esprit est tellement malade
que tu ne t'en apercois pas, et que tu crois etre dans ton naturel,
chaque fois qu'il sort de ta bouche des paroles insensees, quoique
pleines d'une infernale grandeur. Malheureux! qu'as-tu dit depuis le
jour de ta naissance? O triste reste d'une intelligence immortelle, que
Dieu avait creee avec tant d'amour! Tu n'as engendre que des maledictions
plus affreuses que la vue de pantheres affamees! Moi, je prefererais avoir
les paupieres collees, mon corps manquant des jambes et des bras, avoir
assassine un homme, que ne pas etre toi! Parce que je te hais. Pourquoi
avoir ce caractere qui m'etonne? De quel droit viens-tu sur cette terre,
pour tourner en derision ceux qui l'habitent, epave pourrie, ballottee par
le scepticisme? Si tu ne t'y plais pas, il faut retourner dans les spheres
d'ou tu viens. Un habitant des cites ne doit pas resider dans les villages,
pareil a un etranger. Nous savons que, dans les espaces, il existe des
spheres plus spacieuses que la notre, et dont
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